Des actes manqués, des moments de bascule, Comédies françaises, le nouveau roman d'Eric Reinhardt en est plein. Le romancier y traite autant de l'invention ratée par la France d'Internet que le destin d'un jeune contemporain. Ironique et élégant à la fois.
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Pourquoi la France a-t-elle échoué dans la course à l'invention d'internet ? Une reconstitution d'un ratage historique.
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Par quel aveuglement Valéry Giscard d’Estaing a-t-il ignoré internet au milieu des années 1970 pour mieux favoriser le Minitel ? C’est la question que se pose le héros de « Comédies françaises ». Étourdissant.
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Dans « Comédies françaises » Eric Reinhardt raconte l'histoire vraie d'un magistral ratage. Derrière ce fiasco, il met en lumière le vrai personnage de roman que fut Ambroise Roux, patron mythique. Un livre qui est aussi un grand roman autour de Dimitri et ses états d'âme.
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Avec acuité et sens du jeu, l'écrivain se coule dans le personnage de Dimitri, brillant vingtenaire confronté aux rigueurs de l'époque, héros d'un virtuose roman à tiroirs.
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Avec Comédies françaises, Eric Reinhardt signe son roman le plus politique et le plus acerbe sur le pays, la droite, le lobbying.
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Un exemple, messieurs les éditorialistes des beaux quartiers ?
Eh bien Valéry Giscard d'Estaing qui clôt le Plan Calcul en 1974, privant la France de la possible invention d'Internet sur son sol, nous subordonnant de facto au dynamisme et à l'esprit de conquête des Américains (pour le coup, on peut vraiment parler de génial opportunisme), quand c'est nous qui tractions toute l'affaire et que le monde entier s'épuisait à essayer de rattraper Louis Pouzin qui aussi sautillant que je le verrais moi-même au Café français dans sa quatre-vingt-quatrième année courait déjà beaucoup plus vite que quiconque sur cette planète.
Merci Valéry Giscard d'Estaing, merci la droite française, merci les élites conservatrices.
Il est où l'éditorial hargneux de nos amis de droite déplorant qu'un président de la République ait fait rater à notre pays la révolution d'Internet, pour lui préférer le Minitel ? POUR LUI PRÉFÉRER LE MINITEL ! Ah ah ah ! Giscard, bravo ! On t'applaudit bien fort ! Toi qu'on se plaît toujours à dépeindre comme moderne et affûté ! C'est bien, la droite ! Félicitations ! On vous l'entend jamais raconter cette anecdote, c'est bizarre ! Comment ça se fait ? Elle est pourtant super instructive !
p.282-285 (chapitre 12)
Quand Maurice Allègre avait essayé d'alerter les cabinets ministériels - solennellement - sur l'erreur que commettrait la France s'il se confirmait que Cyclades et le data étaient écartés à jamais au profit de Transpac et de la norme X25, quand Maurice Allègre leur avait dit, aux conseillers des cabinets ministériels (y compris le conseiller du Premier ministre, à l'hôtel Matignon) : Les télécoms ne voient pas l'intérêt de Cyclades pour la seule et unique raison que c'est une invention d'informaticiens qui prétendraient apprendre leur métier aux ingénieurs des télécoms, c'est pourquoi ces derniers tirent sur l'informatique à boulets rouges, parce que c'est la concurrence : laissez-moi vous dire que c'est une lourde erreur (Maurice Allègre pouvait d'ores et déjà leur annoncer que notre pays s'en mordrait les doigts un jour, leur avait-il dit à différentes reprises), on n'avait pas perçu cette démarche alarmiste du délégué général à l'informatique avec la gravité qu'il eût été judicieux pourtant de lui réserver, comme l'avenir le démontrera. Les conseillers des cabinets ministériels que Maurice Allègre était allé voir n'y avaient vu pour l'essentiel que l'une de ces opaques et insolubles rivalités de techniciens qui n'arrivent pas à se mettre d'accord entre eux sur des détails de dentellières auxquels personne ne comprend rien, et dont il ne faisait aucun doute que les deux parties adverses s'exagéraient les enjeux, de vrais gamins. Si les télécoms, grandes spécialistes des réseaux commutés, récusaient avec autant de virulence le projet développé par la Délégation générale à l'informatique, c'est que ce projet, conçu par des savants extravagants déconnectés des réalités du terrain (pensez donc, des informaticiens), était selon eux bien trop risqué et hasardeux, flou, irréaliste - en particulier sur le plan industriel, opérationnel, et commercial - et n'aboutirait jamais à rien d'autre qu'à des élucubrations de doux rêveurs. Quand il rencontrait les conseillers des cabinets ministériels (jusqu'au cabinet du Premier ministre à Matignon), non seulement Maurice Allègre se heurtait à ces coriaces préjugés, mais il ne parvenait pas à leur faire saisir l'importance des enjeux à venir, ni combien il serait préjudiciable à nos intérêts de renoncer à l'avance que le réseau Cyclades avait procurée à la France, au plan mondial, sur cette question stratégique des réseaux, question à laquelle ces conseillers ministériels n'étaient pas sans savoir que les Américains consacraient beaucoup d'argent et d'énergie, n'est-ce pas ? leur disait Maurice Allègre pour tenter de les alerter sur les enjeux majeurs de cette innovation, des enjeux planétaires. Mais rien à faire, les conseillers ministériels – jusqu'au conseiller du Premier ministre, dans son bureau de l'hôtel Matignon – n'avaient pas vacillé, ils lui avaient chacun confié que quand bien même ils se laisseraient convaincre, eux personnellement, par les arguments de Maurice Allègre en faveur de Cyclades et du datagramme, ils n'étaient pas en mesure d'infléchir l'avancée de Transpac et de la norme X25 conduite par les ingénieurs du CNET avec l'appui du ministère des PTT, ni de les forcer à s'intéresser à une innovation qui ne suscitait chez eux que sarcasmes, concluaient-ils. De surcroît, en 1973, le Plan Calcul venait de connaître son plus beau succès avec la création d'Unidata, axe franco-allemand CII-Siemens auquel était venu se raccrocher le Néerlandais Philips, nous y reviendrons, avait dit Maurice Allègre à Dimitri. Certes, la route était encore très longue et le succès très loin d'être garanti, mais l’Europe de l'informatique était née avec le soutien proclamé des deux gouvernements français et allemand (l'exemple d'Airbus montrera ultérieurement que de tels montages n'étaient pas une pure utopie), mais paradoxalement, c'était aussi le moment où le ciel se couvrait de nuages et l'orage menaçait de gronder au-dessus de la Délégation l'informatique : la grave maladie du président Pompidou (notoirement en faveur de l'informatique) rendait moins assurée la volonté politique du gouvernement dans ce domaine, de sorte que Maurice Allègre, qui devait défendre sur plusieurs fronts, n'était pas en position de contredire frontalement ses interlocuteurs des cabinet ministériels quand ces derniers, se levant de derrière leur bureau et s'avançant vers lui pour le raccompagner jusqu'à la porte, une main sur son épaule, lui disaient : Qu'est-ce que tu veux qu'on y fasse, Maurice ? Il y a d'autres urgences en ce moment, tu vois de quoi je veux parler. En plus, les gens du téléphone, ils n'en veulent pas de ton machin ! Il est impossible de le leur imposer, tu le sais aussi bien que moi ! C'est peine perdue, allez, sois raisonnable, oublie tout ça. On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif !
On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif, avaient dit à Maurice Allègre ses correspondants des cabinets ministériels quand à l'automne 1973 il était venu leur réclamer de l'aide pour obtenir du monde des télécoms qu'ils s'intéressent au réseau Cyclades, c'est-à-dire, soyons clairs, quand Maurice Allègre était venu leur apporter, sur un plateau d'argent, dans leurs bureaux des ministères, la technologie qui allait être la base de la mise en œuvre d'Internet, technologie sur laquelle notre pays disposait à ce moment précis d'une position très en pointe, unique au monde.
Voilà.
Il y a comme ça des moments inconnus - quoique historiques - qui devraient être exhumés et marqués d'une pierre noire, pensait Dimitri en écoutant parler Maurice Allégre.
Le moment où la France a écarté la possibilité de continuer à jouer un rôle de leader dans l'invention d'Internet et renoncé de ce fait aux retombées considérables qui auraient pu en résulter.
Le moment à marquer d'une pierre noire où un homme en avance sur son temps échoue à convaincre les pouvoirs publics de ne pas passer à la broyeuse une invention qu'il leur présente comme capitale pour l'avenir de leur pays.
Il espérait quand même, Maurice Allègre, qu'à plus ou moins brève échéance les ingénieurs du CNET finiraient par comprendre l'intérêt du datagramme. Il fallait être patient et ne pas les braquer, il y aurait sans doute d'autres occasions de leur faire entendre raison. Après tout, ils n'avaient perdu qu'une bataille, ils n'avaient pas perdu la guerre, d'autant plus que Cyclades existait toujours, financé via la Délégation générale à l'informatique, de sorte qu'il était permis d'espérer que le moment viendrait, avec le temps et la reconnaissance internationale (qui ne manquerait pas de se produire), où les résistances nationales s'effriteraient. C'était là leur seul espoir. Hélas, un an plus tard, sous la pression de l'intense lobbying de la CGE d'Ambroise Roux (nous y reviendrons), Valéry Giscard d'Estaing, à peine élu, allait dissoudre le Plan Calcul et la Délégation générale à l'informatique, ce qui aurait pour conséquence l'asphyxie budgétaire des recherches menées par Louis Pouzin dans son laboratoire de l'IRIA à Rocquencourt. Devenu orphelin, Cyclades allait se déliter, faute de ressources, et ne serait évidemment pas regretté par les ingénieurs du CNET. Du beau travail. Place nette pour le point à point, et pour leur réseau Transpac qui ne tiendrait pas la distance devant un Internet en devenir.
Le réel il était avant tout - et dans une certaine mesure il était seulement - dans le périmètre immédiat de leur corps, de leur présence dans le ici et maintenant. C'est fini ça. Pour les gens le réel il est dans leur téléphone. Ils se connectent avec leurs contemporains via leur téléphone. Ils n'ont peut-être jamais été aussi connectés à leurs contemporains qu'en ce moment, mais pas à ceux qui sont sous leurs yeux, qui les entourent dans la salle d'attente de l'hôpital, mais ceux avec qui ils dialoguent dans leur téléphone. Ce qui fait que pour des gens comme moi, le réel, le vrai réel, le réel visible, est devenu aride. Vide. Froid. Distant. Mort. les gens sont derrière des murailles. Je sais que c'est parce que j'ai vieilli, et que mon visage n'éveille plus les mêmes sentiments qu'avant, mais c'est aussi à cause des réseaux sociaux, des téléphones.
Les amis voilà de quelle façon vous forger une légende : racontez votre vie en divisant systématiquement par deux (ou même par trois si vous êtes réellement très ambitieux, ou aspirez à diriger un jour le groupe industriel le plus puissant du CAC 40) l'âge auquel vous avez fait les choses pour la première fois. Ou encore multipliez par trois ou quatre le nombre de tâches que votre cerveau a la capacité d'effectuer en un temps donné (prétendez, tel Ambroise Roux, lire un livre par jour, soit près de quatre cents livres par an) et vous laisserez dans l'imagination impressionnée voire effrayée de vos contemporains une très profonde empreinte, dont vous pourrez tirer profit toute votre vie.
Il n'y a rien de plus beau que de choisir à deux la maison où l'on va vivre, en rupture orgueilleuse avec le monde. Que de la préparer. Que de s'y installer, de l'investir, de s'y enfouir. Que de l'orner de fétiches à soi seuls destinés. Que de façonner ce lieu jaloux à l'image de ce que l'on est l'un avec l'autre et l'un pour l'autre, ensemble, pour en faire une coquille, une citadelle de poésie, un repaire de contrebandiers, une forteresse amoureuse. Rien de plus fondamental, rien de plus immémorial, rien de plus primitif en somme, rien de plus archaïque.
« Éditeur en marchant, écrivain en courant »
Avec Justine Lévy, Marie Modiano & Peter von Poehl, Éric Reinhardt, Anne Plantagenet, Isabelle Jarry, Teresa Cremisi, Capucine Ruat, nicole Lapierre, Jean-Louis Fournier...
Animation : Sandrine Treiner
Jean-Marc Roberts fut l'une des figures les plus flamboyantes des lettres françaises. Écrivain précoce, il publie son premier roman à dix-sept ans et découvre alors ce que sera sa vie : se mettre au service des auteurs et des livres. Immense découvreur de talents, il insufflera à la littérature audace et élégance, ne se souciant jamais de la bien-pensance. Pas de ligne éditoriale, plutôt un air de famille joyeusement recomposée qui lui ressemble. Il publie notamment Vassilis Alexakis, Didier Decoin, Christine Angot, Erik Orsenna, et aussi Nina Bouraoui, Philippe Claudel, Aurélie Filippetti, Jean-Louis Fournier, Brigitte Giraud, Luc Lang, Justine Lévy, Eric Reinhardt, François Taillandier…
À l'occasion du 70e anniversaire de sa naissance, cette soirée composera un portrait à son image, vivant et éclectique. Il y sera question de music-hall, de football et de cinéma, de Michel Piccoli et de Nathalie Baye, d'une petite femme et d'un père américain, des émissions de Jacques Chancel, Bernard Pivot et Pierre Desproges, de Hervé Guibert et de Jean Cayrol, de poker, de variétés française et italienne… et bien sûr de fêter la littérature.
À lire – Collectif, sous la direction de Capucine Ruat, “Je vous ai lu cette nuit”. Hommage à Jean-Marc Roberts, Albin Michel, 2023.
Son par William Lopez
Lumière par Iris Feix
Direction technique par Guillaume Parra
Captation par Claire Jarlan
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