L'Amour et les Forêts

J’ai compris que Bénédicte rêvait sa vie, elle rêvait la vie qu’elle aurait aimé avoir, sa vie était en grande partie virtuelle. D’une certaine manière, (…) ses deux amies n’étaient pas des femmes du monde réel mais un peu comme des songes, des fantasmes, des refuges, des projections rassurantes de son mental, des femmes qui possédaient une existence dans ses pensées mais pas dans sa vie de tous les jours : Bénédicte fuyait la vie sociale, c’étaient des femmes d’une autre époque, invariablement bienveillantes, comme si ma jumelle avait trouvé le moyen de communiquer avec les personnages d’un roman qu’elle aurait lu et adoré. (…) C’était pareil avec sa vie amoureuse : elle fantasmait [des] après-midi clandestines derrières les lourdes tentures d’une chambre d’hôtel plutôt que de faire des rencontres, de nouer des relations intimes, secrètes, avec des hommes. Par bien des côtés, ma jumelle n’était pas dans la vraie vie.

Je ne suis jamais autant moi-même et dans mon être, et dans ma vérité, qu'à travers les mots, les phrases, les livres, les grands auteurs et leur génie de la verbale et tranchante fulgurance.

Ils étaient de la race de ceux qui font les convenances et non de la race de ceux qui les subissent. Ce que le public des humains appelle, à tout hasard, les convenances n'est qu'un imitation mécanique, servile et presque simiesque de ce qui a été vaguement pratiqué par des êtres de haute nature en des circonstances générales.

Elle devait se demander si j'avais été sérieux en lui tenant des propos aussi catastrophistes sur ma personne, ou si j'avais pour habitude de théâtraliser de la sorte mes angoisses, pour mieux pouvoir les surmonter.

J’avais un rendez-vous avec un homme et il m’a plu, parfaitement, il m’a plu, on a baisé comme des fous, c’était génial, je l’aime, je pense à lui sans cesse

Les profs, leur objectif, c’est de nous rendre conformes à la norme

On n’a jamais vu un animal, même le pire d’entre eux, même le plus sauvage, même le plus indigne et répugnant, oublier, négliger de nourrir ses petits. Se faire baiser le jour où normalement on fait les courses pour nourrir ses enfants, se faire tellement baiser, y prendre tellement de plaisir qu’on décide de remettre à un autre jour son devoir maternel le plus élémentaire, tu admettras que sur le plan du symbole, c’est fort, bravo, je te félicite.

Les gens, je veux dire les gens normaux, tu penses qu’ils mettent leurs plus jolis vêtements quand ils savent qu’ils ne vont voir personne de toute la journée ?

Tu as besoin, comme dans les films américains, comme ces débiles d’Américains dans ces conneries de films américains, de partir sur les routes au hasard, pour réfléchir, pour faire le point ?

Il peut arriver qu’on ait envie de refaire à trente-six ans ce qu’on a pu faire à vingt-six.