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Citations sur Souvenirs d'enfance et de jeunesse (105)

Mon séjour en Syrie m’éloigna encore davantage de mes anciens souvenirs. Les sensations entièrement nouvelles que j’y trouvai, les visions que j’y eus d’un monde divin, étranger à nos froides et mélancoliques contrées, m’absorbèrent tout entier.

PRIÈRE SUR L'acropole. I
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La sacristine mourut la première. L'émotion avait été trop forte pour cette simple femme. Elle n'avait pas douté un moment de la Providence ; mais tout cela l'avait ébranlée. Elle s'affaiblit peu à peu. C'était une sainte. Elle avait un sentiment exquis de l'église. On ne comprendrait plus cela maintenant à Paris, où l'église signifie peu de chose.

Le broyeur de Lin. IV
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Ma mère continua ainsi :

« Tout n’est au fond qu’une grande illusion, et ce qui le prouve, c’est que, dans beaucoup de cas, rien n’est plus facile que de duper la nature par des singeries qu’elle ne sait pas distinguer de la réalité. Je n’oublierai jamais la fille de Marzin, le menuisier de la grand’rue, qui, folle aussi par suppression de sentiment maternel, prenait une bûche, l’emmaillotait de chiffons, lui mettait un semblant de bonnet d’enfant, puis passait les jours à dorloter dans ses bras ce poupon fictif, à le bercer, à le serrer contre son sein, à le couvrir de baisers. Quand on le mettait le soir dans un berceau à côté d’elle, elle restait tranquille jusqu’au lendemain. Il y a des instincts pour qui apparence suffit et qu’on endort par des fictions. La pauvre Kermelle arriva ainsi à réaliser ses songes, à faire ce qu’elle rêvait. Ce qu’elle rêvait, c’était la vie en commun avec celui qu’elle aimait, et la vie qu’elle partageait en esprit, ce n’était pas naturellement la vie du prêtre, c’était la vie du ménage. La pauvre fille était faite pour l’union conjugale. Sa folie était une sorte de folie ménagère, un instinct de ménage contrarié. Elle imaginait son paradis réalisé, se voyait tenant la maison de celui qu’elle aimait, et, comme déjà elle ne séparait plus bien ses rêves de ce qui était vrai, elle fut amenée à une incroyable aberration. Que veux-tu ! Ces pauvres folles prouvent par leurs égarements les saintes lois de la nature et leur inévitable fatalité.

Le broyeur de Lin. IV
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Cela se continua ainsi peut-être une année. Il est probable que le vicaire ne s’aperçut de rien, tant nos prêtres vivent à cet égard dans le convenu, dans une sorte de résolution de ne pas voir. Cette chasteté admirable ne faisait qu’exciter l’imagination de la pauvre enfant. L’amour chez elle devint culte, adoration pure, exaltation. Elle trouvait ainsi un repos relatif. Son imagination se portait vers des jeux inoffensifs ; elle voulait se dire qu’elle travaillait pour lui, qu’elle était occupée à faire quelque chose pour lui. Elle était arrivée à rêver éveillée, à exécuter comme une somnambule des actes dont elle n’avait qu’une demi-conscience. Nuit et jour, elle n’avait plus qu’une pensée ; elle se figurait le servant, le soignant, comptant son linge, s’occupant de ce qui était trop au-dessous de lui pour qu’il y pensât. Toutes ces chimères arrivèrent à prendre un corps et l’amenèrent à un acte étrange qui ne peut être expliqué que par l’état de folie où elle était décidément depuis quelque temps. »

Le broyeur de Lin. III
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Au bout de quelque temps, ce fut cruel. Repoussée, désespérée, la pauvre fille dépérissait, son œil s’égara, mais elle s’observait ; au fond personne ne voyait son secret, elle se rongeait intérieurement. « Quoi ! » se disait-elle, « je ne pourrai arrêter un moment son regard ? Il ne m’accordera pas que j’existe ? Je ne serai, quoi que je fasse, pour lui qu’une ombre, qu’un fantôme, qu’une âme entre cent autres ? Son amour, ce serait trop désirer ; mais son attention, son regard ?… Être son égale, lui si savant, si près de Dieu, je n’y saurais prétendre ; être mère par lui, oh ! ce serait un sacrilège ; mais être à lui, être Marthe pour lui, la première de ses servantes, chargée des soins modestes dont je suis bien capable, et de la sorte avoir tout en commun avec lui, tout, c’est-à-dire la maison, ce qui importe à l’humble femme qui n’a pas été initiée à de plus hautes pensées, oh ! ce serait le paradis ! » Elle restait des après-midi entiers immobile, assise en sa chaise, attachée à cette idée fixe. Elle le voyait, s’imaginait être avec lui, l’entourant de soins, gouvernant sa maison, baisant le bas de sa robe. Elle repoussait ces rêves insensés ; mais, après s’y être livrée des heures, elle était pâle, à demi morte. Elle n’existait plus pour ceux qui l’entouraient. Son père aurait dû le voir ; mais que pouvait le simple vieillard contre un mal dont son âme honnête ne pouvait même concevoir la pensée ?

Le broyeur de Lin. III
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Le vicaire ne sortit pas d’une froideur absolue. Elle était la fille de l’homme qu’il respectait le plus ; mais elle était une femme. Oh ! s’il l’avait évitée, s’il l’avait traitée durement, c’eût été pour elle un triomphe et la preuve qu’elle l’avait atteint au cœur ; mais cette politesse toujours la même, cette résolution de ne pas voir les signes les plus évidents d’amour, étaient quelque chose de terrible. Il ne la reprenait pas, ne se cachait pas d’elle ; il ne sortait pas du parti inébranlable qu’il avait pris de n’admettre son existence que comme une abstraction.

Le broyeur de Lin. III
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Comme un violent cours d’eau qui, rencontrant un obstacle infranchissable, renonce à son cours direct et se détourne, la pauvre fille, n’ayant aucun moyen de dire son amour à celui qu’elle aimait, se rabattait sur des riens : obtenir un instant son attention, ne pas être pour lui la première venue, être admise à lui rendre de petits services, pouvoir s’imaginer qu’elle lui était utile, cela lui suffisait. « Mon Dieu, qui sait ? » pouvait-elle se dire, « il est homme après tout ; peut-être au fond se sent-il touché et n’est-il retenu que par la discipline de son état… » Tous ces efforts rencontrèrent une barre de fer, un mur de glace. Le vicaire ne sortit pas d’une froideur absolue. Elle était la fille de l’homme qu’il respectait le plus ; mais elle était une femme.

Le broyeur de Lin. III
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Le vieux père attribuait à une certaine faiblesse d’esprit ce qui était le résultat des ravages intimes de rêves impossibles en un cœur que l’amour avait percé de part en part.

Le broyeur de Lin. III
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Une fois par semaine, le samedi, c’était une douceur inexprimable pour elle d'être une demi-heure seule avec lui, comme face à face avec Dieu, de le voir, de le sentir remplissant le rôle de Dieu, de respirer son haleine, de subir la douce humiliation de ses réprimandes, de lui dire ses pensées les plus intimes, ses scrupules, ses appréhensions. Il ne faut pas croire néanmoins qu'elle en abusât. Bien rarement une femme pieuse ose se servir de la confession pour une confidence d'amour. Elle y peut jouir beaucoup, elle risque de s'y abandonner à des sentiments qui ne sont pas sans danger ; mais ce que de tels sentiments ont toujours d'un peu mystique est inconciliable avec l'horreur d'un sacrilège. En tout cas, notre pauvre fille était si timide, que la parole eût expiré sur ses lèvres. Sa passion était un feu silencieux, intime, dévorant. Avec cela, le voir tous les jours, plusieurs fois par jour, lui, beau, jeune, toujours occupé de fonctions majestueuses, officiant avec dignité au milieu d'un peuple incliné, ministre, juge et directeur de sa propre âme ! C'en était trop. La tête de la malheureuse enfant n'y tint pas, elle s’égarait. Des désordres de plus en plus graves se produisaient dans cette organisation forte et qui ne souffrait pas d’être déviée.

Le broyeur de Lin. III
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La pauvre fille se prit ainsi pour le vicaire d’un amour profond, qui occupa bientôt son être tout entier. La vertueuse et mystique race à laquelle elle appartenait ne connaît pas la frénésie qui renverse les obstacles, et qui estime ne rien avoir si elle n’a pas tout. Oh ! elle se fût contenté de bien peu de chose. Qu’il admît seulement son existence, elle eût été heureuse. Elle ne lui demandait pas un regard : une pensée eût suffi. Le vicaire était naturellement son confesseur ; il n’y avait pas d’autre prêtre dans la paroisse. Les habitudes de la confession catholique, si belles mais si périlleuses, excitaient étrangement son imagination.

Le broyeur de Lin. III
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