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Citations sur Souvenirs d'enfance et de jeunesse (105)

La possibilité d’une carrière profane ne me vint même pas à l’esprit. étant, en effet, entré avec le sérieux et la docilité la plus parfaite dans les principes de mes maîtres, envisageant comme eux toute profession bourgeoise ou lucrative comme inférieure, basse, humiliante, bonne tout au plus pour ceux qui ne réussissent pas dans leurs études, il était naturel que je voulusse être ce qu’ils étaient. Il devinrent le type de ma vie, et je n’eus d’autre rêve que d’être, comme eux, professeur au collège de Tréguier, pauvre, exempt de souci matériel, estimé, respecté comme eux.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, I
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Mes maîtres m’enseignèrent, d’ailleurs, quelque chose qui valait infiniment mieux que la critique ou la sagacité philosophique : ils m’apprirent l’amour de la vérité, le respect de la raison, le sérieux de la vie. Voilà la seule chose en moi qui n’ait jamais varié. Je sortis de leurs mains avec un sentiment moral tellement prêt à toutes les épreuves, que la légèreté parisienne put ensuite patiner ce bijou sans l’altérer. Je fus fait de telle sorte pour le bien, pour le vrai, qu’il m’eût été impossible de suivre une carrière non vouée aux choses de l’âme. Mes maîtres me rendirent tellement impropre à toute besogne temporelle, que je fus frappé d’une marque irrévocable pour la vie spirituelle. Cette vie m’apparaissait comme la seule noble ; toute profession lucrative me semblait servile et indigne de moi. Ce bon et sain programme de l’existence, que mes professeurs m’inculquèrent, je n’y ai jamais renoncé. Je ne crois plus que le christianisme soit le résumé surnaturel de ce que l’homme doit savoir ; mais je persiste à croire que l’existence est la chose du monde la plus frivole, si on ne la conçoit comme un grand et continuel devoir.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, I
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La base de ces anciennes éducations était une sévère moralité, tenue pour inséparable de la pratique religieuse, une manière de prendre la vie comme impliquant des devoirs envers la vérité.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, I
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Ainsi, au lendemain de la révolution de 1830, l’éducation que je reçus fut celle qui se donnait, il y a deux cents ans, dans les sociétés religieuses les plus austères. Elle n’en était pas plus mauvaise pour cela ; c’était la forte et sobre éducation, très pieuse, mais très peu jésuitique, qui forma les générations de l’ancienne France, et d’où l’on sortait à la fois si sérieux et si chrétien. élevé par des maîtres qui renouvelaient ceux de Port-Royal, moins l’hérésie, mais aussi moins le talent d’écrire, je fus donc excusable, à l’âge de douze ou quinze ans, d’avoir, comme un élève de Nicole ou de M. Hermant, admis la vérité du christianisme. Mon état ne différait pas de celui de tant de bons esprits du XVIIe siècle, mettant la religion hors de doute ; ce qui n’empêchait pas qu’ils n’eussent sur tout le reste des idées fort claires. J’appris plus tard des choses qui me firent renoncer aux croyances chrétiennes ; mais il faut profondément ignorer l’histoire et l’esprit humain pour ne pas savoir quelle chaîne ces simples, fortes et honnêtes disciplines créaient pour les meilleurs esprits.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, I
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De la littérature contemporaine, jamais un mot. La littérature française finissait à l’abbé Delille. On connaissait Chateaubriand ; mais, avec un instinct plus juste que celui des prétendus néo-catholiques, pleins de naïves illusions, ces bons vieux prêtres se défiaient de lui. Un Tertullien égayant son apologétique par Atala et René leur inspirait peu de confiance. Lamartine les troublait encore plus : ils devinaient chez lui une foi peu solide ; ils voyaient ses fugues ultérieures. Toutes ces observations faisaient honneur à leur sagacité orthodoxe ; mais il en résultait pour leurs élèves un horizon singulièrement fermé.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, I
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Quant au XIXe siècle, à ces idées neuves en histoire et en littérature, déjà professées par tant de bouches éloquentes, c’était ce que mes excellents maîtres ignoraient le plus. On ne vit jamais un isolement plus complet de l’air ambiant.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, I
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J’ai raconté comment je reçus mon éducation dans un petit collège d’excellents prêtres, qui m’apprirent le latin à l’ancienne manière (c’était la bonne), c’est-à-dire avec des livres élémentaires détestables, sans méthode, presque sans grammaire, comme l’ont appris, au XVe et au XVIe siècles, Erasme et les humanistes qui, depuis l’antiquité, l’ont le mieux su. Ces dignes ecclésiastiques étaient les hommes les plus respectables du monde. Sans rien de ce qu’on appelle maintenant pédagogie, ils pratiquaient la première règle de l’éducation, qui est de ne pas trop faciliter des exercices dont le but est la difficulté vaincue. Ils cherchaient, par-dessus tout, à former d’honnêtes gens.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet
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Beaucoup de personnes qui m’accordent un esprit clair s’étonnent que j’aie pu, dans mon enfance et dans ma jeunesse, adhérer à des croyances dont l’impossibilité s’est ensuite révélée à moi d’une façon évidente. Rien de plus simple cependant, et il est bien probable que, si un incident extérieur n’était venu me tirer brusquement du milieu honnête, mais borné, où s’était passée mon enfance, j’aurais conservé toute ma vie la foi qui m’était apparue d’abord comme l’expression absolue de la vérité.

Le petit séminaire saint-nicolas du chardonnet, I
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« Elle est morte, me dit-elle, morte de tristesse. Elle n’avait pas de fortune. Quand elle eut perdu ses parents, sa tante, une très digne femme qui tenait l’hôtellerie de..., la plus honnête maison du monde, la prit chez elle. Elle fit de son mieux. Tu ne l’as connue qu’enfant, charmante déjà ; mais, à vingt-deux ans, c’était un miracle. Ses cheveux, qu’elle tenait en vain prisonniers sous un lourd bonnet, s’échappaient en tresses tordues, comme des gerbes de blé mûr. Elle faisait ce qu’elle pouvait pour cacher sa beauté. Sa taille admirable était dissimulée par une pèlerine ; ses mains, longues et blanches, étaient toujours perdues dans des mitaines. Rien n’y faisait. à l’église, il se formait des groupes de jeunes gens pour la voir prier. Elle était trop belle pour nos pays, et elle était aussi sage que belle. »

Cela me toucha vivement. Depuis, j’ai pensé beaucoup plus à elle, et, quand Dieu m’a eu donné une fille, je l’ai appelée Noémi.

La petite Noémi
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Il y avait, parmi ces enfants, une petite fille beaucoup moins belle que Noémi, bonne et aimable sans doute, mais moins fêtée, moins entourée. Elle me recherchait, peut-être même un peu plus que Noémi, et ne dissimulait pas une certaine jalousie. Faire de la peine à quelqu’un a toujours été pour moi une impossibilité. Je me figurais vaguement que la femme qui n’est pas très jolie est malheureuse et doit se dévorer intérieurement, comme si elle avait manqué sa destinée. J’allais avec la moins aimée plus qu’avec Noémi, car je la voyais triste. Je laissai ainsi bifurquer mon premier amour, comme plus tard je laissai bifurquer ma politique, de la façon la plus maladroite. Une ou deux fois, je vis Noémi rire sous cape de ma naïveté. Elle était toujours gentille pour moi ; mais il y avait par moments chez elle une nuance d’ironie qu’elle ne dissimulait pas, et qui ne faisait que me la rendre plus charmante encore.

La petite Noémi
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