« Lîle du docteur Moreau » est un roman que je tiens en très haute estime. Je trouve que le roman de Wells, tout en étant un divertissement parfait, parvient à traiter son propos de façon riche et pertinente. Ce roman a d'ailleurs eu une portée considérable, on peut presque le considérer comme un roman matrice tant il a inspiré de nombreux auteurs. J'avais envie, depuis longtemps, de lire certaines variations sur le classique de Wells. Alors quand j'ai vu que «
le docteur Lerne, sous-dieu » était proposé dans la masse critique de mars, je l'ai bien entendu coché et j'ai eu la chance de le recevoir (longtemps après, il s'est fait désirer le coquinou). Si le roman de
Maurice Renard ne se hisse pas totalement au niveau de son illustre modèle devenu classique intemporel, son auteur n'a pas à rougir de la comparaison. «
le docteur Lerne, sous-dieu » est un excellent roman riche et passionnant.
« le docteur Lerne » ne se contente pas d'être un simple décalque de « l'île du docteur Moreau ». Si l'argument du savant fou et des expériences d'hybridation humain-animal est le même et qu'on retrouve bien sûr certains motifs communs, le traitement est très différent, Renard proposant un récit qui a une vraie personnalité.
Maurice Renard se réclamait du merveilleux scientifique, genre qu'il a même théorisé dans un manifeste en 1909. Et c'est vrai que ce terme est tout à fait approprié à son roman. le roman de Wells était un heureux mélange de science-fiction et d'aventures. le roman de
Maurice Renard est quant à lui une synthèse entre science-fiction et conte de fées. Si le surnaturel est rationnalisé, l'ambiance rappelle vraiment celle d'un conte de fées. Cette atmosphère féérique, parfois quasi-gothique, est le fruit de l'écriture de Renard. C'est le style de l'auteur, les mots qu'il choisit, la façon de dépeindre des lieux qui créent cette remarquable ambiance. le savant fou, tout en étant un archétype très réussi de ce personnage classique de science-fiction, est ainsi régulièrement surnommé « l'enchanteur ». Les expériences de Lerne sont qualifiées de « circéennes », ce terme les apparentant ainsi à la sorcellerie. Un labyrinthe entoure la demeure de Lerne. Les descriptions, notamment celles des intérieurs, lorsque l'auteur compare par exemple des meubles à des animaux, participent pleinement de cette atmosphère fantasmagorique, tonalité qui m'a fait parfois penser à l'ambiance de « la belle et la bête » de
Cocteau. Si certains éléments du dénouement ne surprennent pas un lecteur d'aujourd'hui (surtout quand ce lecteur a lu
« Christine » de king , dès que Lerne s'émerveille au sujet de la voiture et que par la suite il évoque la nécessité d'un réceptacle dénué d'âme pour finaliser son projet, on sait ce qui arrivera à un moment ou un autre du récit) mais ce manque de surprise ne gâche absolument pas le plaisir de lecture tant l'auteur parvient là aussi à déployer une vraie singularité. La toute fin du roman est absolument saisissante. Cette description d'un
cadavre de voiture en putréfaction, amas mécanico-organique, est à la fois poétique et macabre.
Le style de
Maurice Renard est vraiment une découverte enthousiasmante. J'avais déjà l'envie de lire d'autres variations sur « l'île du docteur Moreau » (d'ailleurs « l'autre île du docteur Moreau » d'
Aldiss est déjà dans ma PAL) mais j'ai également très envie de lire d'autres oeuvres de Renard ainsi que de m'intéresser de plus près à ce courant du « merveilleux scientifique ». Je remercie donc chaleureusement Babelio et les éditions Okno pour cette superbe découverte.