... l'égoïsme n'est pas de vivre comme on a envie mais d'y contraindre les autres.
Elle ne savait pas, n'aurait jamais imaginé qu'en fait, Eunice était bien plus effrayée par sa patronne qu'elle-même intimidée par sa domestique. Que l'incident de l'historique des Coverdale l'avait fait rentrer complètement dans sa coquille, persuadée que si elle leur parlait ou se laissait adresser la parole, son ennemi mortel, le mot imprimé, se lèverait et viendrait l'assaillir. Quand Jacqueline, après avoir tiré un fauteuil à côté du radiateur, lisait dans son coin afin de ne pas gêner Eunice et lui laisser le champ libre, elle était loin de se douter qu'elle ne pouvait justement rien faire de mieux pour la gêner encore plus et attiser sa haine.
Les Coverdale s'étaient posé bien des questions sur les capacités de travail d'Eunice Parchman, et sur son attitude respectueuse ou non, envers eux. Ils lui avaient attribué une salle de bains personnelle, un poste de télévision, des sièges confortables et un lit bien rembourré, un peu comme on donne une bonne litière et une bonne mangeoire à un cheval de labour.
Ils avaient peur de se montrer égoïstes, car ils n'avaient jamais compris ce que Giles savait instinctivement, que l'égoïsme n'est pas de vivre comme on a envie mais d'y contraindre les autres.
L’amitié se développe souvent le mieux lorsque l’un des partenaires est sûr d’avoir un ascendant sur l’autre.
A propos d'Eunice Parchman :
"Elle avait le redoutable pragmatisme du singe de nos origines déguisé en femme du XXe siècle." (p.5)
Une pierre qui respirait, voilà ce qu'était Eunice. Ce qu'elle avait toujours été.
L'égoïsme ne consiste pas à vivre comme on souhaite vivre mais à demander aux autres de vivre de cette façon là.
(dans la traduction de Marie-Louise Navarro)