Louis Massignon ajoute : « Ayant une grande cour à traverser sous les yeux des officiers, je fis signe à Lawrence de rattacher sa patte d’épaule gauche : « Pensez-vous que j’aie pour ces gens la moindre considération ? » dit-il ; et il fit à ce moment-là, le geste d’ouvrir son pantalon pour uriner face à l’état-major.
Homme de contradictions, Lawrence est à la fois un timide et un exhibitionniste, qui veut en même temps arpenter le devant de la scène et se cacher dans les coulisses. Les corridors du pouvoir l'attirent tout autant que les ermitages en plein désert. Comme ces vedettes qui réclament le droit à la vie privée tout en l'exhibant, avec délectation, sous les projecteurs, il fuit les journalistes, en même temps qu'il les recherche, se faisant ainsi le complice de ceux dont il se dit la victime. [...] Comme l'écrit Pierre Moinot, Lawrence est quelqu'un sur qui "on ne peut rien affirmer sans qu'aussitôt, au détour d'une phrase, il ne paraisse faire surgir sur lui-même une vérité opposée".
Le monde regarde naturellement avec un peu d’effroi un homme aussi indifférent à la famille, au bien-être, au rang, à la puissance comme à la gloire ; il ne voit pas un être se placer en dehors de ses lois (….) Il était vraiment l’habitant des cimes, là où l’air est froid, vif et raréfié, et d’où l’on domine les jours clairs, tous les royaumes du monde et leur gloire
La vie est une affaire privée, absolument; et rien ne justifie la mainmise violente d'un homme sur un autre.
La guerre, il le sait maintenant, n'est belle que pour ceux qui ne la font pas ou dans les romances médiévales du roi Arthur. Sur le terrain. elle illustre la nature humaine dans ce qu'elle a de pire.
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