"Les vikings en Bretagne" est un livre qui, en trompe l'oeil, s'ouvre comme un de ces albums colorés destinés à la jeunesse.
La couverture de l'ouvrage, une voile carrée gonflant un imposant triskell, est magnifique.
Mais derrière se cache un véritable et audacieux livre d'Histoire qui, paru en 1985, est aujourd'hui assez recherché et devenu un peu cher.
"Ar vikinged E Breizh" est dédié au père de son auteur, disparu en montagne.
Il semble être le point d'orgue d'une éphémère revue, "Bretland", qui aurait posé, en 1980, les bases historiques et scientifiques de 200 années de présence scandinave en Bretagne.
Son auteur, Bruno Renoult, est parfois qualifié d'historien du Mantois.
Il nous offre ici un précieux outil de réflexion qui, s'il n'est parfois qu'hypothèse, affiche cependant sérieux et rigueur : une étude qui se propose d'effectuer la synthèse de l'histoire des vikings en Bretagne et d'y faire découvrir d'éventuelles influences scandinaves.
Elle s'appuie sur une abondante bibliographie, sur de surprenantes anecdotes et sur un fond archéologique maîtrisé.
La préface est signée de Jean Markale, le "dernier barde".
L'avant-propos est donné en islandais, "le parler presqu'intact des vikings", puis en breton, adopté par la plupart des vikings en Bretagne, et finalement en français, pour la compréhension du plus grand nombre de ses lecteurs.
Le ton est donné.
L'on est loin ici de l'imagerie populaire présentant les Hommes du Nord comme d'affreux barbares pillant et massacrant sur leur passage.
L'ouvrage est richement illustré, en noir et blanc, de photos, de dessins, de cartes et même d'enluminures celtiques.
La lecture de ce livre d'Histoire est passionnante, enrichissante et parfois étonnante.
Comme l'est, par exemple, cette question posée, en janvier 1954, dans un article du journal "La Bretagne" :
Où se trouve l'anneau d'or trouvé au doigt d'un squelette viking enterré avec ses compagnons sous les fondations du vieux pont suspendu de Lézardrieux ?
L'ouvrage est articulé en trois grandes parties qui suivent un avant-propos, un sommaire, une préface et une introduction :
- Saga des vikings en Bretagne
- Après les vikings
- Témoins
L'influence normande en Bretagne, et la période "Plantagenêt", sont assez mal connues.
Mais pour Jean Markale, la Bretagne est issue de convergences et ce livre, plongeant dans les ténèbres des IX, X et XIème siècles, en extirpent quelques lumières, force hypothèses et indubitables vérités ...
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Cest ce qui est passionnant dans cette étude : le redécouverte d'un passé breton que l'on croyait tout d'une pièce et qui n'est en fait que le résultat de convergences.
Ainsi s'expliquent sans doute certaines caractéristiques de cette civilisation bretonne, en particulier la fameuse ouverture sur la mer.
En effet, les celtes n'étaient pas et ne sont pas des marins.
C'étaient des peuples attachés à la terre, d'abord pasteurs, ensuite agriculteurs.
A l'époque de César, seuls les vénètes du pays de Vannes sont des navigateurs hors-pair, qui détiennent l'hégémonie du commerce et des relations entre l'Armorique et la Grande-Bretagne.
Or on sait maintenant que les vénètes n'étaient pas des celtes.
Et à la lumière des observations de Bruno Renoult, on peut penser que les Hommes du Nord, solidement implantés dans certaines régions côtières de Bretagne et y ayant fait souche, ne sont pas étrangers à la vocation maritime qui caractérise la Bretagne à partir du XIIème siècle.
Ce n'est qu'une hypothèse, mais le travail de Bruno Renoult doit nous inciter à chercher dans cette direction ...
Treize longs bateaux à tête de dragon, munis de voiles rectangulaires doublent le cap Finistère.
Ils apparaissent soudain à l'horizon marin de la côte basse et inondée du marais breton face à Noirmoutier.
En cette année 814, les loups de mer sautent à terre, brandissant haches et épées, et se jettent sur le village de Bouin ...
Gongu Hrolf, Hrolf le marcheur ou Rollon, avant de fonder la Normandie, fut viking en Bretagne avec son père adoptif Ketill des Hébrides qui fut roi de Nantes ...
L'histoire de Bretagne du IXème, Xème et XIème siècles a donné lieu à des interprétations controversées des événements dues souvent à la négligence de l'exploitation des sources mais aussi à la présentation partiale des faits par les historiens anciens et modernes qu'ils soient d'obédience française ou bretonne.
De cette histoire, les bretons d'origine scandinave, nous entendons par là, les descendants des vikings installés en Bretagne sont absents.
A tous ces bretons privés d'Histoire, qui n'apparaissent dans les ouvrages que de loin en loin sous la forme caricaturale d'horribles païens barbares assoffés de sang tout juste bons à donner des coups de hache, nous voudrions rendre leur Histoire, véritable saga, échappée en lambeaux à 1000 ans d'obscurantisme politique et religieux ...
(extrait de l'avant-propos)
C'est à ce moment qu'apparut sur les côtes bretonnes un chef viking quasi légendaire : Bjorn, descendant de la fameuse lignée de Ragnar Lodbrog.
Il avait été désigné par le sort, lui le fils du roi, pour partir en exil, on le surnommait Jarnsidi : côte de fer, parce que jamais dans une bataille ni bouclier ni casque ...