Aventures de terre et de mer

Bon, je l'avais promis après Mayne-Reid, un Benedict-Henry Révoil. Cet auteur a été pour moi l'objet d'une rencontre hallucinante via un livre en particulier, et c'est bien sûr celui que je chronique ici (mais il y en a plein d'autres excellents).

Révoil est un spécialiste du format court, et Aventures de terre et de mer est un condensé de ses récits parus dans le Journal des Voyages. Ecrivain voyageur mais aussi journaliste, la grande force de Révoil c'est qu'on ne sait jamais si c'est du lard ou du cochon, pour reprendre une expression bien de chez nous, et donc s'il invente ou si c'est vrai ou encore s'il mixe les deux (certaines historiettes sont entièrement vraies cependant après vérification).

L'écriture de Révoil est en tous les cas très journalistique et on ne peut pas dire que ce soit le roi des métaphores, des phrases de dix lignes ou des descriptions flamboyantes. Mais au final tant mieux, ses récits en sont d'autant plus directs, réalistes et percutants.

Sur le fond, Aventures de terre et de mer vous réservent des histoires hallucinantes que vous ne lirez jamais ailleurs et qui décoiffent les unes après les autres. Il y a du polar, de l'horreur (et même du très gore), de la comédie, du western, des adaptations (notamment du Val Dormant, le fameux Sleepy Hollow d'Irving), des scènes de vie exotiques... C'est un grand 8 absolument énormissime dans lequel on ne s'ennuie jamais et qui aussi improbable que ce soit sur le papier, sonne toujours étrangement vrai.

Vous aurez par exemple: l'explorateur aux prises avec des crabes géants (mais géants au sens crédible du terme quand même) ; le gars qui veut tuer un ami en le perdant dans un dédale de grottes ; un duel au pistolet entre deux femmes ; un déterreur de cadavres à Boston ; la meilleure, des naufragés coincés dans la cale d'un navire coulant lentement avec un régiment de rats affamés... Comme Révoil donne à chaque fois des noms, des dates, et présente cela comme des témoignages, dur de savoir si ce ne sont pas de vrais faits divers hallucinants comme en a d'ailleurs offert souvent le XIXe siècle.

Bref, ce livre est plein de dizaines d'historiettes toutes plus divertissantes les unes que les autres (il y a aussi des descriptions de lieux étranges, visités par l'auteur qui valent le détour). Révoil est un maître de la nouvelle méconnu, peut-être car trop journalistique, mais quel plaisir de lire des choses aussi étranges et aussi réalistes en même temps.

Pour info, je chronique ici le livre de 1885 de Barbou. Une version est disponible gratuitement sur gallica avec le même titre mais c'est le livre de 1884 et chez Eugène Ardant, et il contient bien moins d'histoires et pas tout à fait les mêmes (il me semble qu'il y en a en commun). Je sais c'est le grand bazar dans la biblio du gars (c'est comme chez Lovecraft), mais vous pouvez lire les 2, On a jamais trop de Révoil !