Certains respectent les églises. Moi, c'est devant l'éphémère que je m'agenouille.
Mentir est un exercice que je ne conseille à personne. Pas même à mon pire ennemi. C'est épuisant comme attitude. La mémoire, qui doit être à toute épreuve, prend vite l'allure d'une planche pourrie. Et le danger de vos impostures réside dans l'obligation absolue que vous avez de croire en elles. Vos tromperies se doivent d'être sincères dans l'instant. D'une véracité absolue. Comme si vous deveniez quelqu'un d'autre, tout en restant le plus malin possible. Irrémédiablement à l'affût de vous-même et des autres. Le problème des mensonges, en fait, ce sont les autres. Le risque vient toujours de là. Le frisson aussi.
J'ai tenté tant bien que mal, de limiter la casse. De faire semblant du mieux que je pouvais. Et Dieu sait que dans ce domaine, j'en connais un sacré rayon.
La peine de mort. Quel honte. La peine de mort. A moi, qui ai déjà tellement de peine a survivre.
Vous n'y couperez pas. Vous allez crever. Redevenir ce que vous étiez avant de naître : c'est-à-dire rien de rien. Le néant qu'on appelle ça. Black out total. Absolu. Le putain de sommeil profond. Sans un rêve.
- J'aimerais te revoir, m'annonça-t-elle ?
- Moi aussi. J'aimerais que l'on aille acheter des meubles pour notre nouvel appartement. Que l'on fasse le marché tous les dimanches. Que l'on se prenne un café dans un bistrot tous les matins. J'aimerais te demander en mariage et que tu en pleures de joie. J'aimerais te couvrir d'amour une vie entière. Me retrouver à tes côtés, au bas des pistes, aux sports d'hiver. En attendant de voir nos gamins revenir de leurs cours de ski. Je veux te désirer même après trois années de vie commune. Je veux te voir en larmes pour mieux te consoler. Mais j'en suis incapable. Je serais incapable de t'aimer plus de quelques jours. C'est mon grand drame. Je t'aime maintenant. C'est faux. Mais ça le sera toujours moins que dans quelques semaines. Je t'aime. Adieu.
J’ai rien contre les injustices. Bien au contraire. Mais les cadenas, serrures, et autres digicodes n’arriveront jamais à la cheville d’un verrou de toilettes. C’est l’évidence même. Y a pas d’amalgame possible. Quand les uns vous cachent et vous enferment, l’autre vous soulage et vous libère. Un verrou de toilettes, il faut l’effleurer comme une vieille pute qu’on oserait appeler maman. L’objet a trop souffert pour être manipulé autrement qu’avec le plus grand soin. Allez donc jeter un œil dans la mémoire de ce bout de ferraille chancelant. Tripotages empressés, moments honteux et indélébiles, diarrhées frénétiques. C’est le camarade des misères autant que des plaisirs. Bienvenu au pays de l’étreinte et du vomi, quand l’angoisse s’arrange avec le soulagement.
Nous nous sommes quittés sans une jolie phrase. Dans un silence à vous dégoûter de l'humanité tout entière.
Comme si à force de rangement, le passé allait enfin disparaître.
Un monde où même la joie, parfois, nous fait un peu de peine.