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Citations sur A la source du vivre et du voir (8)

Je suis allé chez mon grand-père pour lui dire au revoir :
je m'étais inscrit dans une école dans l'Ouest.
Quand je suis entré,
mon grand-père, assis devant la fenêtre, s'est retourné vers moi
(malade, la peau jaunie, les yeux chassieux -
mais les cheveux toujours aussi noirs,
parce que mon grand-père n'avait pas un cheveu, pas un poil
de barbe gris -
il était assis devant la fenêtre, il lisait un livre en hébreu).
Il s'est levé avec difficulté -
il avait dû m'attendre, je pense -
il a tendu les bras et, à haute voix, il m'a béni :
en hébreu, évidemment,
et je ne savais pas ce qu'il disait.
Quand il a fini sa bénédiction,
mon grand-père a tourné la tête et a éclaté en sanglots.
"Je ne serai pas parti longtemps, Grand-père, ai-je dit
en mauvais yiddish, je reviens en juin."
(En juin, mon grand-père était mort.)
Il n'a rien répondu.
Peut-être n'était-ce pas pour cela que mon grand-père était
en larmes :
peut-être est-ce que malgré toutes les connaissances que j'avais
acquises au lycée,
je ne savais pas un mot du texte sacré de la Torah
et je partais dans le monde
sans la moindre parcelle de sagesse accumulée par mon peuple
pour me guider,
sans la moindre prière pour parler au Dieu de mon peuple,
une âme -
car ce n'est pas facile d'être un Juif, ou d'être un homme, peut-être -
que son ignorance condamne à trébucher et à échouer.
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Un bosquet d'arbustes, les branches lourdes de baies,
avec, dedans, le pépiement constant des oiseaux.
Les arbres dans le parc en ce jour de vent froid
par manque de feuilles
sont ornés de papier - des bouts de papiers sales.
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Je l'avais vu déambuler lentement en pleine nuit
portant un plateau de bonbons et de chewing-gums :
un gamin juif de quinze ou seize ans,
avec de grands yeux noir et un visage doux.
Il s'est glissé dans un saloon
et a dû avoir été chassé
parce qu'il est ressorti très vite
par les portes battantes.

Je me demandais ce qu'il faisait
si loin d'un quartier juif.
(Je connaissais les ruelles
et les voyous qui se tenaient dans les angles et sur les marches.)
Quelle proie ferait ce gamin, traînant des pieds avec son plateau !
Je me suis avancé pour le prévenir
de ne pas quitter les lumières de l'avenue.
Il m'a écouté, a posé sur moi un regard attentif et s'est éloigné,
tranquille.
Je l'ai regardé, stupéfait
et me suis dit : il n'y a donc rien qui t'ait fait peur ?
Ni la prise de Jérusalem par les Babyloniens, par les romains,
par les croisés ?
Ni les pogroms en Russie ;
ni les camps de la mort nazis en Allemagne ?
Comment peux-tu encore marcher aussi tranquille ?
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II



30

Quand j’ai atteint le parc, le brouillard
était devenu si épais
que je ne voyais plus les maisons de l’autre côté.
Je n’avais rencontré personne
depuis que j’avais quitté les rues.

Je ne voyais qu’à quelques pas devant moi dans le brouillard :
le chemin de cendres sous mes pas,
la clôture de gros fil de fer,
les pierres grises dessous qui traçaient la limite du réservoir.
Soudain, une sirène a retenti,
plus puissante et plus aiguë à mesure qu’elle s’approchait,
mais je ne pouvais pas dire si c’était une voiture de police
ou une ambulance ;
là, elle était de ce côté-ci
et là de l’autre,
toujours plus forte dans le brouillard –
et puis aussi brusquement qu’elle avait retenti,
elle s’est tue

Ensuite une petite cloche s’est mise à sonner,
tout près.
Je me suis dit que c’était une borne de police.
Elle a sonné sans arrêt pendant un moment
et puis, là encore, elle s’est tue.
J’ai continué ma route sans entendre personne, sans rencontrer personne
tendu comme un animal sauvage en cage.
(...)


/ traduit de l’anglais (États-Unis) par André Markowicz,
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II



29

Dans la rue, neuf étages plus bas, le klaxon d’une automobile en panne
s’est mis à sonner à pleine puissance,
en continu – sans avoir à s’arrêter pour reprendre son souffle.
Nous avons essayé de poursuivre notre conversation
malgré ce hurlement incessant ;
nous avons élevé un peu la voix, qui n’était plus ni calme ni sereine.
Notre civilisation était un peu en panne, semblait-il.

Mais juste comme nous commencions à froncer les sourcils,
serrer la mâchoire et nous pincer les lèvres,
le bruit s’est arrêté ;
et nous avons plongé la tête dans le courant, dans la fraîcheur du silence,
et avons repris notre conversation tranquille, échangeant des sourires.


/ traduit de l’anglais (États-Unis) par André Markowicz,
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I



4

Les fenêtres donnaient sur des murs aveugles,
on travaillait à la lumière des lampes toute la journée,
l’été et l’hiver, le printemps et l’automne ;
sur chaque bureau brillait une ampoule

Un matin, je me suis assis chez moi
pour lire ou écrire et réfléchir un petit moment :
la lumière était si merveilleuse !
elle éclairait la table, la pièce, et la rue,
les maisons voisines et le ciel ;
si clair, chaque objet dans la pièce,
si claire, la vue de la pièce et de la rue ;
si calme, douce et merveilleuse, la lumière –
juste celle du soleil
(...)


/ traduit de l’anglais (États-Unis) par André Markowicz,
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I



3

Chaque fois que ma sœur répétait
un certain morceau de piano
et arrivait à un certain passage –
un peu médiocre, pensait-elle –
un oiseau se posait sur le rebord de la fenêtre
et chantait quelques notes.
L’oiseau devait avoir entendu
ce que l’interprète
et peut-être le compositeur lui-même
n’avaient pas entendu ; et ceci me rappelle un proverbe indien :
l’œuvre d’art a plus d’un visage
/ traduit de l’anglais (États-Unis) par André Markowicz,
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I



1

Mon grand-père, mort longtemps avant ma naissance
est mort parmi des étrangers ; et tous les vers qu’il a écrits
ont été perdus –
sauf ce qui
parle encore à travers moi
comme étant mien.


2

Ma grand-mère, dans son grand âge,
vendait de l’orge et du gruau sur un étal
au marché. Elle ne mesurait pas ses céréales
plus soigneusement que moi les minutes.


/ traduit de l’anglais (États-Unis) par André Markowicz,
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