Citations sur Place Colette (13)
Il m'avait oubliée, c'était évident. Alors qu'il avait envahi mes pensées, que j'étais avec lui à chaque seconde, ce qui me déchirait le cœur, c'est que de son côté, il n'avait jamais pensé à moi. Ce n'était pas un oubli, je n'avais juste pas commencé à exister à ses yeux. (p. 81)
Le plus difficile à comprendre, pour l'adolescente que je devais devenir, c'était ce mélange paradoxal d'apparente liberté dans le ton des conversations et le sentiment que personne n'allait au fond des choses. La barrière invisible du bon goût servait à censurer les vraies questions. (p. 38)
Ceux qui m'entouraient, s'ils m'avaient un tout petit peu observée, s'ils m'avaient prêté un minimum d'attention, se seraient probablement aperçus que j'étais devenue un décor en trompe-l'oeil; derrière ce paravent que j'avais bricolé pour eux, se cachait une colère si extrême que je savais, déjà à l'époque, que rien ni personne ne pourrait l'apaiser. (p.98)
Elle (la passion) était devenue une ancre qui m'arrimait au fond de l'océan. Penser à Pierre me permettrait, même au creux des pires tempêtes, de ne jamais me perdre. Je compris alors que la passion, contrairement à tout que j'avais découvert dans le théâtre classique, pouvait ne pas être fatale, que dans mon cas, elle pourrait peut-être me sauver. (p. 87)
Tous ces mois alitée m'avaient coupée du monde. Celui que j'avais retrouvé, que j'avais cru ne jamais revoir, me semblait si bavard et futile. J'y étais tellement étrangère. Ma phobie de l'école s'était imposée très tôt. Dès le cours préparatoire, rester assise, être obligée de jouer, dessiner, chanter en compagnie des autres m'angoissait.Je crois que , petite fille, je n'aimais pas cet état débile qu'on appelle l'enfance. (p. 23)
Je n'avais pas conscience de côtoyer d'illustres personnages, engoncés dans l'adoration de leur propre image. Ce qui m'a sauvée des effets néfastes de ma totale ignorance, c'est que, à 12 ans déjà, j'avais un penchant pour les vieux. tout d'abord, je les trouvais beaux; plus ils étaient ridés, plus ils me faisaient rêver. Je contemplais leur visage aux méandres creusés par la vie comme autant de cartes du globe, de promesses de voyages lointains. (p. 30)
"Je savais, depuis longtemps, par où cela devait commencer, mais j'ignorais quand viendrait le moment d'écrire ce chapitre de ma vie."
Je l'observai dans le miroir, je me voyais aussi le regarder, comme s'il s'éloignait dans la glace, le long d'une ligne de perspective imaginaire
Plus j'écoutais le texte, plus nos situations se croisaient, s’inversaient, devenaient symétriques. Phèdre se sentait coupable d’avoir été foudroyée d’amour par le jeune fils de son mari. Pierre était aussi un fruit défendu .Ma passion était la plus forte ; pour lui, j’aurais tout envoyé promener sans réfléchir une seconde. »
La nuit, j'étais toujours aussi agitée, découvrant que le sentiment amoureux m'était familier car il ressemblait à de la douleur, mais au lieu de me faire penser à la mort, il provoquait une envie irrésistible envie de vivre (...) (p.71)