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Citations sur Les Oeuvres de miséricorde : Fictions et réalité (22)

Parfois je descends aussi du plateau calcaire où je vis pour des destinations plus triviales, me ravitailler, voir du monde, trouver un garçon à aimer, toutes choses quasiment impossibles à concrétiser sur ces hautes terres où ne souffle que le vent qui en été rabat ces longues graminées qu’on appelle cheveux d’ange, en hiver clôt le monde en apportant la neige. De toutes les incongruités que génère la vie que nous nous fabriquons, d’un accord de moins en moins commun, de plus en plus tacite, certes, mais que nous fabriquons, la floraison des longues galeries marchandes à la périphérie des villes n’est pas la moindre, mais elle n’est pas, tant s’en faut, la plus accablante, car il s’y est rapidement inventé des usages plus ou moins détournés qui relèguent de temps à autre leur fonction commerciale au second plan, ce qui est une victoire, modeste mais réelle, sur le rôle d’hommes économiques auquel nous assigne le dieu Commerce qui par ailleurs prospère avec notre actif concours. On peut ainsi, du moins dans les provinces mordues par l’oubli et le givre, terriblement continentales, à Rodez, au Puy, à Mende, à Aurillac, y trouver le pain, le sel, le vin et le garçon qui se laissera convaincre de prolonger ses courses d’une étreinte rapide mais dense, précise, dans le temple même du commerce ou dans quelque bosquet discret des alentours. Puis il regagnera, la chose faite, une petite amie en ville, une ferme isolée à quelques kilomètres, un travail de routine ou une ivresse feinte. C’est à cela que servent à des gars dans mon genre les vallées où l’on vit, l’on échange et l’on passe.
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Lève la main sur moi si je te le demande, aime ma soumission à nos communs désirs, et, la main du bourreau, les gestes d’assassins et le poids de la haine, sur cette terre d’Allemagne où ils ont tant pesé, dans ces corps d’hommes allemands où ils ont tant œuvré, pas plus tard qu’avant-hier, ici même où je suis à genoux devant toi, reléguons-les dans l’art, les livres et la pensée, et traitons d’aujourd’hui en tâchant de tout faire tenir en même place, et les millions de morts et notre joie de foutre.
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Le sais-tu, Adrien, que, bien d'avantage encore qu'Andreas, tu pourrais faire de moi tout ce que tu voudrais ? Mais : tu as ce corps de saint, blessé, que je ne toucherai pas, l'autre un corps de bourreau, ramassé, disparate, absorbant, tandis qu'en tes drapés de muscles on se reflète, et la souffrance avec, te laissant, intouchable, au-dedans du lacis, serré, de tes errances, et seul. Comment poser la main sur ta blessure ?
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Je ne pouvais décemment pas leur dire : papa, maman, je suis pédé, et tout ce qui ressemble à une force virile institutionnalisée me révulse, les flics, l'armée, le sport et la camaraderie, les pères de famille et les curés, tous ceux qui sentent sans que je dise un mot que je suis un danger pour eux, mortel, et qui n'auront de cesse que de m'éliminer. Je le savais, mais je n'avais pas le premier mot pour le dire. Heureusement, ça les aurait sciés.
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« Et si j’étais né dans le Schleswig-Holstein en 1915, aurais-je pu, quelque part en Ukraine, abattre au bord d’une fosse qu’on leur a fait creuser des rangs entiers de Juifs, nus, et pousser de la crosse ou du piers les cadavres rétifs, achever d’une balle ceux à qui il échut de sombrer dasn la fosse sasn avoir pu mourir ? Aurais-je eu le courage de retourner mon arme contre moi ? Ce temps de mourir, où les bourreaux étaient à peine dans le fracas des armes, l’odeur du sang, les brûlures de la chaux, dans la besogne insensée où plonge la mise à mort, à fortiori de masse, où est-il ? Où sont les assassins, où sont ceux qui roulèrent au creux des plaines à blé de la riante Ukraine, quel lieu à ce qui se refuse à la pensée des hommes ? » Mathieu Riboulet, Les œuvres de miséricorde, 151 pages, Ed VERDIER 2012, page 99

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Il n’est au fond pas d’énigme, de l’histoire et des hommes, qui ne soit résolue dans le geste de l’art.
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J’ai vu des hommes, ignorant tout de la miséricorde, dépasser même la surérogation pour gagner tout d’un coup les œuvres de tuerie. Ils sont venus à moi qui étais faible et nu, j’ai su qui ils étaient et pourquoi ils venaient, et comme ils approchaient je leur ai murmuré, Ah vous venez gagner vos œuvres de tuerie.
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La mère que nul n'appelait jamais par son prénom, Florine, trop beau, trop gai, trop léger et fin pour une vie de peine et de silence.
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L’art face à l’impensable fait comme les autres, il « impense » et contourne.
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Car c'est finalement toujours nous qui portons les abîmes de l'Histoire, tapis dans nos organes, qu'il faut aller chercher pour danser avec eux dans le silence des gestes.
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