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Citations sur Mères sans filtre (20)

A chaque fois que ma mère m’a dit « les enfants c’est que du bonheur », elle m’a dit de taire les moments où non, ce n’est définitivement pas du bonheur. C’est aussi de la douleur, de la tristesse, de la nostalgie de ma vie d’avant, de l’amertume, de la fatigue, des cris, des larmes. Lorsque mes amies me lançaient simplement un « oh, ça passe », elle me disaient de me faire. Lorsque j’ai tenté de confier mes difficultés à ma sage-femme et qu’elle m’a répondu : « vous savez, certaines femmes ne peuvent pas avoir d’enfants, vous faites partie des chanceuses », elle me disait se fermer la gueule. Personne ne m’entendait. Au mieux, on m’écoutait d’une oreille émettre un son de cloche différent puis on me disait que, tout de même, c’était surtout génial. Ce qui en somme revenait à me dire de la fermer. Chaque jour portant son lot de représentations et de discours biaisés, il m’a été enjoint de taire la réalité de mon vécu.
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C'est la première chose qui te sauvera : oser dire la rage qui t'habite. Oser dire ce que les braves mères n'avouent jamais : la fatigue, la fureur, l'amour qui ne se lève pas.
De ces mots sortis de toi, tu rencontreras d'autres femmes qui te diront "moi aussi". Et leurs récits feront écho au tien. Et tu découvriras ce que tu n'avais jamais connu avant cela : la sororité. Jusqu'à présent, tu n'avais envisagé tes amitiés féminines que sous l'angle de la comparaison et de la compétition. Toi qui te croyais seule, minable, mauvaise mère, tu prendras conscience que non : ton histoire n'est pas celle d'un échec individuel. C'est l'histoire de toutes les femmes à qui on a fait croire à une perfection impossible. C'est l'histoire d'un système qui les invisibilise et qui les broie. Avec elles, autour du feu, enfin tu trouveras ta place. Tu reliras Beauvoir, tu reliras Woolf, puis d'autres voix encore, des femmes d'aujourd'hui. Et cette force que tu espérais trouver en donnant naissance, c'est finalement auprès d'elles que tu la sentiras battre.
Tu réapprendras la colère. Celle qu'on t'interdisait d'exprimer, sous prétexte qu'elle te rendait laide, qu'elle te rendait méchante. De nouveau, tu la sentiras, bruissant au creux de toi. Tu n'en auras plus honte. Tu la dompteras. Tu la chériras. C'est grâce à elle que tu oseras te lever. Dire "non" aux inquisiteurs qui guettent le moindre de tes faux pas. [...] Plus jamais tu ne confondras la colère avec la violence qui humilie. Plus jamais tu ne laisseras quelqu'un enfreindre ton territoire.
Et cela, tu l'apprendras à tes filles.
Tu renonceras à la perfection, à la maison toujours propre et bien rangée, aux repas toujours maison, bio et équilibrés. Tu accepteras le désordre, les paniers à linge qui débordent, les goûters trop sucrés, la poussière qui s'accumule sur les étagères, les vêtements un peu froissés. Tu diras à Julien : "Maintenant nous sommes à armes égales." Et tu le laisseras prendre sa part.
Tu pardonneras à ton corps affaissé par les maternités, les nuits sans sommeil et le manque de volonté. Après des années de désamour, tu oseras poser sur lui des yeux indulgents. L'estimer comme un indéfectible compagnon de route. Parfois même, tu t'autoriseras à le trouver beau. Et cela, tu l'apprendras à tes filles.
Tu t'accorderas un temps et un lieu rien qu'à toi, et ce sera non négociable. Dans l'urgence des semaines, tu te tresseras un cocon, pour écrire, lire, penser. Parfois même pour ne rien faire. Simplement reprendre ton souffle. Tu ne craindras plus de passer pour une égoïste, car tu le sauras : il est des égoïsmes qui sauvent.
Tu apprendras à te conquérir, comme un royaume perdu il y a longtemps.
Et à ton tour, tu l'apprendras à tes filles.
Tu refuseras l'histoire qu'on te raconte depuis toute petite : celle des mères courage qu'on porte aux nues. Celle des mères dont on n'accorde de la valeur que parce qu'elles ont été des saintes et qu'elles se sont sacrifiées. Tu prendras conscience des travers de ce récit : c'est qu'il nous prive du droit d'être fragiles et d'être soutenues. C'est qu'il nous ligue les unes contre les autres, d'un côté celles qui triomphent, de l'autre celles qui échouent, au lieu d'unir nos forces et de nous légitimer. Tu décideras que plus jamais tu ne te sacrifieras. Car tu comprendras que le revers du sacrifice, c'est l'aigreur. L'attente d'un impossible dû. Et de cette dette, tu libèreras tes filles. Jamais tu ne voudras qu'elles s'empêchent d'être faibles, par loyauté envers la lignée qui les précède.
Alors un jour, tu invoqueras l'esprit de tes aïeules, avec leurs mouchoirs roulés en boule, leurs tabliers et leurs savates, et tu leur diras : "Je salue votre force. Mais c'est décidé : je ne serai pas des vôtres." Et pour toujours, tu briseras la chaîne.
Tu renonceras à être une mère réussie et à avoir des enfants réussis. Tu apprendras la beauté des ratures, de l'inachevé, de l'ambigu. Et que même du chaos le plus total, l'amour peut se lever.
Tu connaîtras la joie, celle qui vrille le ventre et qui emporte. Tu verras tes filles semer autour d'elles des éclats de rire et des bonheurs grands comme des soleils. Dans les brèches de ton cœur pousseront des herbes folles.
Année après année, tu les verras grandir, s'affirmer, tomber, hurler, se relever. Et brique après brique, construire le royaume qui sera le leur. Sans crainte, tu les laisseras te quitter parfois, pour mieux se l'approprier. Tu comprendras que, malgré l'amour et les épreuves, elles ne te doivent rien. Qu'elles sont libres et qu'un jour viendra où, loin d'elles peut-être, comme on te l'avait prédit, tu finiras toute seule.
Mais plus jamais tu n'en auras peur. Car tu auras appris à te suffire à toi-même.
Alors voilà. Je te regarde ce matin, dans la chambre rose de la maternité, avec ton bébé dans les bras. Je pense à tout ce qui t'attend, et que tu ne soupçonnes pas encore. Tu es au début d'une longue histoire. Tu as peur déjà de l'altérer, qu'elle ne soit pas aussi belle que ce que l'on exige. J'aimerais te dire : méfie-toi des histoires trop belles. Des histoires de mères heureuses et de devoir accompli. L'histoire qui t'attend sera parfois noueuse, bosselée, éraflée des grands coups de lame que tu jetteras dedans. Mais ce sera la tienne. Et elle fera de toi celle que je suis aujourd'hui.
A toi que j'étais ce matin-là, voilà tout ce que j'aurais aimé qu'on me dise. Si je pouvais, je m'assiérais près de toi. Je t'offrirais mes mots comme un onguent. Sur ton cœur brouillé, longtemps, je passerais mes paumes. Je te veillerais comme la sœur que tu n'as pas eue. Je t'envelopperais comme toi-même tu enveloppes ta petite fille. Car tu ne le sais pas encore. Mais ce matin, toi aussi, tu viens de naître.
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De cette fatigue est née chez moi pas mal d'énervement puis de colère. La fatigue est une conséquence, certes logique, de la maternité, mais totalement évitable dans les proportions qu'elle peut prendre
En quoi le féminisme devrait venir mettre son nez là-dedans ? Cet épuisement que connaissent beaucoup de mères est en fait le fruit d'une histoire patriarcale. L'on commence tout juste à détricoter les inégalités femmes/hommes présentes dans la parentalité. Ce domaine n'a pas à y échapper, alors qu'il est une pierre d'achoppement du chemin vers l'égalité entre les genres. On parle depuis peu de la complexité de l'expérience maternelle, des difficultés du post-partum, du mythe de l'instinct maternel... mais la fatigue n'est que peu pointée du doigt comme élément central.
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Un des autres aspects délétères de ce processus de silenciation, c'est qu'il place de fait les mères en concurrence les unes avec les autres. Je me souviens d'avoir haï de toutes mes forces restantes celles que je percevais comme des mères modèles. Alors qu'elles n'étaient sans doute absolument pas modèles pour la grande majorité. Alors que je devais ressembler à une de ces mères modèles pour d'autres. Alors que chacune vivait ses propres silences et mises en scène. Je me suis mise à les détester, autant qu'à les envier parce que je pensais qu'elles possédaient quelque chose dont j'étais dépourvue. Le logiciel adéquat, celui qui leur permettait d'être tout sourire du lever au coucher, auprès de leurs enfants. Elles réveillaient chez moi un sentiment d'échec diffus. Échec que je pensais individuel alors qu'il résultait d'un abandon collectif. Et, probablement de la même façon que moi, elles participaient à la mascarade en ne craquant pas, en maintenant le silence et le masque. Chacune partie prenante de ce mensonge collectif. C'est contre ce cercle vicieux que nous devons lutter, c'est contre le propre du silence qui est sa contagiosité. Nous nous passons le relais du silence. Il nous est d'abord imposé depuis le haut, par tous les rappels et conformations sociales, et, lorsque nous l'avons assimilé, nous nous l'appliquons à nous-mêmes, ainsi qu'à celles autour de nous. Nous devenons les gardiennes d'un système qui nous oppresse.
Dans le silence que l'on nous impose, on nous met à mort. C'est une condamnation que de ne nous donner droit qu'à une émotion en relation avec la maternité, c'est nier nos vies, nos expériences et leur complexité. On nous veut poupées, sans vie, des publicités ambulantes. En réalité, comme femmes, nous sommes abonnées au silence et à la façade. Les deux types d'injonctions principales pesant sur nous sont celles, d'une part, liées à notre apparence et, d'autre part, à notre statut de mère. Mais que ce soit pour notre apparence ou pour la maternité, nous devons en quelque sorte être désincarnées. Apparence figée, jeunesse éternelle, absence de marques visibles de nos expériences corporelles ou émotionnelles, des mannequins de cire au sourire accroché pour toujours. Il est démentiel de devoir se conformer à des scénarios et des cadres aussi restreints et tout cela sans jamais être considérées comme vivantes, mouvantes, complexes, êtres animés d'émotions ambivalentes, êtres dont les corps, les esprits, les pensées, les émotions, les contours sont complexes, multiples, riches Ces corsets corporels et psychiques sont insupportables et dévastateurs. Je suis pourtant tellement plus qu'une projection, qu'une idée de la maternité, je suis le réel, je suis l'irrégularité, l'aspérité. Pourtant, encore aujourd'hui, malgré ce qui semble être une prise de parole de plus en plus importante, la maternité reste un lieu qui éteint la lumière sur ce qui n'est pas lisse, ce qui ne correspond pas au fantasme imposé, qui ne met qu'un seul type de discours en avant et relègue le reste dans les coulisses, les abysses. Elle vous laisse aphone sur les questions qui fâchent, qui irritent, qui font mal.
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Si je suis honnête, je crois qu'une des choses que j'ai le plus aimées dans le fait d'avoir des enfants, c'est la difficulté. Le défi de toutes ces choses à faire, de tous ces gestes à accomplir pour que ça tienne, le poids de tout ça jour après jour, apprendre à gérer tant de choses, résister à la fatigue, découvrir que j'étais capable de porter une poussette sur quatre étages, que je pouvais dormir seulement 5 heures, vraiment, l'effort que tout ça représentait m'a beaucoup plu, sans doute parce que c'était une occasion de briller dans l'adversité, et que je suis une personne excessivement orgueilleuse de son énergie vitale. J'aime être débordée, pour le dire simplement.
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La sororité passe par la transmission d'une personne à une autre, qu'elle ait des enfants ou non, qu'elle en veuille ou non. Et puis, si les vécus sont individuels, les problématiques sont collectives. Les expériences féministes de chacune peuvent se répondre, faire écho dans un vaste mouvement de déclics en cascade. [...] Sentiment de solitude et d'abandon, tout ceci pourrait être pallié si les femmes avaient des espaces pour s'exprimer, s'identifier, réfléchir à d'autres modèles, et s'engager.
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Le pire c'est que j'ai eu la "chance" d'avoir à mes côtés un coparent investi à même hauteur que moi. Je dis "la chance" et j'y mets des guillemets car j'aimerais employer d'autres mots. Ça ne devrait pas être une "chance", ce devait être la normalité, quand on conçoit un enfant à 2, d'être également impliqués dans l'éducation et la prise en charge de son enfant.
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En tant que mères, nous sommes constamment jugées, jugées, appréciées comme bonnes ou mauvaises. En réalité, toujours pas assez bonnes, et plutôt souvent mauvaises
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La maternité est un sport de combat et les mères, des gladiatrices jetées en pâture par une société qui ne fait que peu de cas de leur santé physique et mentale
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Ce sont tous des récits ancrés dans un vécu, et il existe autant de vécus que de mères et de maternités.
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