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Critique de Cigale17


Drôle d'assemblée ! Jennifer Richard invite son lecteur à une bien curieuse réunion dans « une dimension parallèle »… Une soirée où tous les invités ont des points communs : ils ont réellement existé et sont morts assassinés pour leurs idées, leurs convictions. On retrouve parmi eux Jaurès, Zola, Lumumba, Sankara, Kabila, Lincoln, J. F. Kennedy, Geronimo et Ben Barka (les deux très brièvement), Martin Luther King, Malcom X, Che Guevara, Oussama ben Laden, Saddam Hussein, Pier Paolo Pasolini, beaucoup d'autres dont un bon nombre inconnus du grand public, et une seule femme : Rosa Luxembourg. Un narrateur à la troisième personne intervient la plupart du temps, mais Ota Benga, le pygmée qui est l'organisateur et l'animateur de cette « Amicale des insurgés », intervient à la première personne pour nous narrer sa propre histoire. Les discussions vont bon train entre les participants : congratulations, contradictions, engueulades. Certains se connaissent, d'autres non, même quand ils appartiennent à la même époque. Il faut dire que Jennifer Richard nous promène sur trois continents. Nous irons ainsi en Belgique, en France et en Angleterre, dans plusieurs pays africains, mais essentiellement au « Congo belge », ainsi que dans plusieurs États américains. Entre 1896 et 1916, nous rencontrerons, en plus de certains des invités, de nombreux personnages ayant eu, de près ou de loin, un rôle à jouer dans l'exploration, la colonisation et le commerce dans les pays africains, ainsi que dans la ségrégation, l'exploitation ou les prémisses de l'émancipation des Noirs : Stanley, Brazza, Mark Twain, Léopold II et son inénarrable maîtresse française, des missionnaires britanniques et américains noirs ou blancs avec leurs épouses, etc., et beaucoup d'Africains dont notre Histoire officielle ne mentionne pas même les noms, « ceux qui ne comptent pas ». Ota Benga conversera aussi fréquemment avec Roger Casement, « diplomate et militant indépendantiste irlandais », qui tient une place importante dans cette terrible aventure.
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Pas besoin d'avoir lu les deux premiers volets de la trilogie pour apprécier Notre royaume n'est pas de ce monde. le roman s'appuie sur des faits réels et l'autrice a puisé dans une impressionnante documentation (voir la bibliographie). Albin Michel la présente comme une Franco-Américaine d'origine guadeloupéenne. Elle semble parfaitement au fait des événements et connaît assurément très bien l'histoire de la colonisation en Afrique comme celle des Noirs américains. Entre les chapitres qui font revivre la grande Histoire s'intercalent, en italique, les conversations de la réception, ce qui permet au lecteur de souffler un peu après certaines des horreurs relatées ici. Pour ma part, j'en connaissais quelques-unes, mais bien peu, et je me rends compte avec un peu d'étonnement que je sais plus de choses sur l'histoire des Noirs américains que sur celle des Africains. L'écriture est limpide, précise, et le récite évite l'écueil du didactisme pesant. J'ai beaucoup aimé le ton : malgré l'horreur de ces faits révoltants, l'autrice ne se départ jamais d'une certaine ironie et d'un humour plus ou moins appuyé. Les prises de bec entre Martin Luther King et Malcom X sont savoureuses, par exemple. Je ne suis pas près d'oublier l'image de Jaurès consultant frénétiquement les pages Wikipédia sur son portable pour savoir de qui on parle… Il se charge ensuite d'apporter des précisions qui valent pour son interlocuteur comme pour le lecteur ! Un très bon roman et une incitation à lire les deux précédents.
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