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Critique de thomas141


« de l'urgence d'être réactionnaire », pamphlet d'Ivan Rioufol se veut un ouvrage qui pourrait pousser de nouvelles personnes dans la voie de la réaction. Publié chez les très sérieuses Presses Universitaires de France dans la certes moins universitaire collection « Perspectives Critiques », monsieur Rioufol tente de donner un aperçu le plus large possible des actuels problèmes de notre pays. En utilisant le point de vue dit réactionnaire, il s'attaque à quelques institutions et mentalités comme l'antiracisme et ses associations, l'État qu'il surnomme mamma, les lobbies communautaires, l'islam radical et revendicatif et en général la pensée unique transmise par les médias conformistes à travers les experts en plateau télé ou les philosophes des dîners en ville.

Le terme réactionnaire est important dans cet ouvrage car l'appel de Rioufol est à la population, aux français ; il faut réagir, s'opposer, s'exprimer. Cet ouvrage s'adresse au grand nombre et spécialement aux néophytes. Les personnes qui suivent l'actualité et les sites internet de « contre-actualité » sont déjà au courant de la quasi-totalité des faits énoncés. Ces gens-là peuvent cependant prendre plaisir à lire cet ouvrage correctement écrit sans transcender non plus le genre du pamphlet politique.
Les néophytes y découvriront certains faits marquants voire scandaleux, comme le silence médiatique sur les profanations de tombes chrétiennes alors qu'elles représentent 85% des profanations ou encore les nouveaux programmes scolaires balayant d'un revers de la main Louis XIV ou Henri IV pour laisser place à des civilisations lointaines, disparues et sans relation avec notre pays, afin de faire disparaitre toute identité et surtout de créer une rupture dans la connaissance de l'Histoire pour démontrer qu'aucune continuité n'existe.
Ivan Rioufol utilise certaines sources qui sont les mêmes que ses collègues réactionnaires comme les travaux de la très sérieuse démographe Michèle Tribalat. L'éditorialiste du Figaro ne le cache pas, tout comme son utilisation de l'Internet pour s'informer – seul média réellement libre, d'après lui.

Cependant, que l'on ne s'y méprenne pas, les réactionnaires de la télé et des journaux ne sont pas homogènes. Monsieur Rioufol est profondément optimiste quand Eric Zemmour est « mélancolique » et né à la mauvaise époque comme il le confesse lui-même.
La réaction n'est pas homogène et je ne saurais dire, après avoir lu ce livre, si monsieur Rioufol en est totalement conscient ou non. La compréhension de l'hétérogénéité de la réaction permettrait au lecteur de pardonner le manque de propositions. Cela permet de fédérer plus de monde, sans doute, et autorise l'inclusion de phrases de Georges Marchais. Mais la définition du réactionnaire est restrictive. Ivan Rioufol, dès son avant-propos exclut une partie des réactionnaires en excluant les contre-révolutionnaires dans la « tradition du XVIIIe siècle », car il considère que « le » réactionnaire du XXIe siècle est un démocrate, un républicain, un pro-laïcité, un héritier des Lumières. Ainsi voit-on balayer les plus grands pamphlétaires français, réactionnaires revendiqués, comme Charles Maurras ou Léon Daudet. On les enterre et finalement, le réactionnaire devient un « moderne », finalement un progressiste et il est à craindre qu'il rejoigne les rangs d'un autre « camp du bien. »

En lisant cet ouvrage, j'ai eu l'impression d'un regret des grands penseurs de la IIIe république, de certaines politiques menées avant le Cartel des Gauches voire du Bloc des Gauches. Il y a une pensée libérale chez Ivan Rioufol qui est intéressante mais peut-être trop superficiellement exprimée et parfois contredite. Il y a un réel désir de s'opposer à « l'État mamma », et de défendre les principes de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 en se prononçant pour la liberté d'expression contre la censure des lois mémorielles et antiracistes, ou en souhaitant balayer l'égalitarisme pour défendre l'égalité.
Par contre, je suis resté perplexe devant quelques utilisations de concepts et de termes inappropriés. Page 19, droite comme gauche sont accusées d'abandonner le peuple français ce qui aurait été aggravé par « un laisser-fairisme économique ayant dénaturé le libéralisme et son éthique. » Il me semble difficile d'opposer le Laissez-faire, laissez-passer de Turgot au libéralisme. Turgot a écrit et mis en application certaines des plus grandes et efficientes mesures libérales de l'histoire et il faudra aussi m'expliquer en quoi un pays comme la France, qui compte plus de 100'000 décrets et lois dont beaucoup s'opposent à la liberté d'entreprendre, peut être taxé de « laisser-fairisme. »
Je trouve aussi fort dommage que monsieur Rioufol utilise la même rhétorique et le même vocabulaire que ses ennemis. Quand, page 131, il est dit que les mouvements anti-racistes « n'ont rien à envier aux comportements des petits fachos quand ils n'ont plus pour objectif que de traquer les dissidences », il tombe dans le même excès qu'eux lorsqu'ils affirment que les réactionnaires sont fascistes. de même que rappeler les événements de la seconde guerre mondiale à travers la prise de position et la participation à l'extermination des juifs par la division SS du Grand Mufti de Jérusalem n'est pas forcément l'exemple le plus heureux pour un débat sain, bien que tout ce qui est dit soit vrai. On retrouve aussi le terme « totalitaire » qui est utilisé de manière peu rigoureuse ainsi que l'absurde mot « ultralibéralisme » qui a autant de définition qu'il y a de journalistes pour l'employer.

Cet excès verbal vient du fait qu'Ivan Rioufol écrit avec « ses tripes ». le but de l'ouvrage me semble être plus l'exaltation du lecteur que l'analyse poussée. En somme, il nous livre bel et bien un pamphlet qui a des imperfections, parfois un vocabulaire ou des analogies peu heureuses, un style littéraire pas assez travaillé, peut-être même un manque de maturation avant publication, mais un pamphlet qui reste efficace, qui dévoile au grand public des faits cachés par les médias, qui défend une idée de la France, des valeurs. Ivan Rioufol montre parfaitement bien le processus de déculturation, l'abrutissement de la population pour mieux la maîtriser, l'essor réactionnaire dans la jeunesse de plus en plus traditionnelle (et cela se voit notamment avec un très grand nombre de jeunes rejoignant la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X quand les églises modernistes se vident). L'auteur nous offre aussi un vibrant éloge de ses ancêtres et par extension de nos ancêtres ; peut-être aurait-il dû insister sur la généalogie en génral, cette passion bien française, pratiquée par des centaines de milliers d'adeptes partant à la quête de leurs racines, de ces villages, de ces villes où vécurent nos aïeux. Car cette aventure est aussi une forme de réaction à la modernité, au déracinement, à l'implosion de la famille.

« de l'urgence d'être réactionnaire » est en somme un pamphlet qui a le mérite d'exister, qui explore sans détours la pensée de l'auteur. On peut ne pas être d'accord sur tout, mais il est toujours appréciable d'entendre un autre son de cloche, des opinions à contre-courant de ce que les médias veulent insuffler. C'est un ouvrage grand public et que je conseille aux indécis comme aux convaincus de l'autre côté pour montrer que les réactionnaires comme monsieur Rioufol sont des personnes qui ont des valeurs à défendre. Peut-être même – qui sait ! que derrière ce terrible mot de « réactionnaire » vous finirez pas vous y reconnaitre.

Je remercie l'équipe Babelio pour ce livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique, ainsi que les éditions PUF et madame Boëtsch pour la gentille note accompagnant l'ouvrage.
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