Dans la région, c'était comme ça. Chacun savait ce qui se passait chez le voisin, et on n'y pouvait rien.
Dire qu'il suffisait d'une infime augmentation des taux d'intérêt, de quelques investissements malencontreux et d'un suicide, pour qu'un empire de plusieurs milliards de dollars s'effondre comme un château de cartes. Banqueroute... quel mot horrible !
Depuis les obsèques, elle avait perdu du poids, peut-être cinq kilos, si bien qu'avec son mètre soixante-dix, elle paraissait à présent presque maigre. Et sa beauté s'était ternie, elle avait moins d'éclat, comme la flamme d'une bougie sur le point de s'éteindre.
De nos jours, les nanas étaient tellement méfiantes...
Le Prédateur et sa proie. La proie, cependant, ignorait qu'elle n'était qu'un gibier.
La jeunesse et la beauté... voilà ce dont il avait soif.
Traquer ceux qui ne se méfiaient pas, fondre sur eux à la vitesse de l'éclair, sans bruit et en pleine nuit, les emmener dans un lieu où nul ne les entendrait hurler, où il pouvait s'amuser, savourer à loisir leur souffrance et leur terreur.
Son radar personnel, s'il réagissait aux moindres mouvements de ses enfants, était presque aussi sensible à ceux de ses chevaux.Ils étaient son gagne-pain et sa passion. Il les nourrissait, les entraînait, les bichonnait. Il s'occupait des siens - dans son écurie décrépite, aux murs noirs - par amour et parce qu'il en
retirait un peu d'argent.
Depuis belle lurette, il ne se réveillait plus au milieu de la nuit - l'expérience lui avait appris qu'une longue journée de dur labeur était le meilleur remède à l'insomnie.
Quand il avait bu, Cary Welch se traînait parfois jusqu'aux écuries de Whistledown. Il ressassait son passé, s'imaginait être encore l'entraîneur réputé qu'il avait été naguère, devenu un poivrot qu'aucun propriétaire n'aurait laissé s'approcher de ses chevaux.