Accusé de viol par Lisa Charvet, quinze ans, Marco Lange a été condamné à dix ans de prison. Ayant fait appel de cette décision, il a droit, alors qu'il a déjà effectué la moitié de sa peine, à un nouveau procès. La victime souhaite changer d'avocat, être cette fois représentée par une femme, et c'est pourquoi elle s'adresse à Alice Keridreux.
Intéressant personnage que cette avocate quinquagénaire, qui a passé la moitié de sa vie -aux dépens de son couple- à courir les tribunaux et les cours d'assises et qui, si elle a de plus en plus de mal à supporter la noirceur inhérente à son métier, continue de l'exercer avec passion, tout en conservant son sens de la nuance et sa capacité au doute.
Elle n'a pourtant pas douté de la culpabilité de Marco Lange. Aussi, lorsque Lisa lui avoue avoir menti, elle cherche à comprendre non seulement les raisons de ce mensonge, mais aussi et surtout les mécanismes qui ont permis que sa parole soit reçue et admise sans aucune remise en question.
Pour elle, Lisa reste une victime. A quinze ans, elle était une adolescente complexée, en quête d'une reconnaissance qu'elle ne pouvait, en tant que fille s'imaginant sans talent ni qualités, obtenir que par un seul moyen. Facilement encouragée par des garçons en pleine effervescence hormonale, elle s'est donné des airs de fille libérée et provocante, et s'est retrouvée piégée dans les attentes ainsi suscitées. Lorsque, s'enquérant des raisons de son apparent mal-être, certains de ses proches l'ont interrogée, la mention d'abus sexuels est venue spontanément, et puisqu'il fallait donner un nom, celui de Marco Lange est sorti presque par hasard…
L'accusé était un homme peu instruit, aux manières brutales et possédant un casier judiciaire. L'enquête de personnalité, comme souvent pour ceux de sa catégorie sociale, a tenu en quelques pages. L'enflammement de l'époque pour la libération de la parole féminine, notamment lorsqu'elle dénonce des violences sexuelles, a fait le reste.
L'auteure (et c'est courageux, comme le souligne Sandrine dans son billet) remet en cause le caractère sacré et indubitablement véridique de cette parole, mais ne vise pas tant celles -ou ceux- qui l'énoncent, que ceux qui la reçoivent.
Elle démontre la fragilité de la conviction, soumise au contexte culturel, social, mais aussi aux préjugés et aux expériences personnelles, met en garde contre l'intransigeance, qu'elle profite à la victime ou à l'accusé, et rappelle ainsi que la quête de la vérité, au sens judiciaire (mais aussi plus global) du terme, suppose que l'on en accepte les nuances et le tort qu'elle peut faire à une cause.
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