J'aurais pu être prof d'histoire, actrice ou encore pute de luxe ; je suis maman.
J'aurais pu être un millier de choses mais j'ai choisi Daisy.
J'ai choisi de consacrer ma vie à aimer.
Non, madame, si je pouvais, je ratisserais votre gueule mais je me contenterai d'un petit carré de mauvaises herbes. Merci de m'avoir consacré un peu de votre temps si précieux. Le mien est en friche, il pue et crie vengeance.
Une passion n'est vraie que si elle meurt. L'amour, lui, est éternel.
Tu étais dangereuse, suicidaire, alcoolique, méchante, internée, boulimique, monstrueuse, terrifiante. Jamais médiocre ; toujours sublime.
Enfant, tu t’es promis de ne pas les laisser gagner. Ceux qui ne t’aimaient pas, te saignaient, mouillaient tes draps.
Tu étais fabuleuse. Tu deviens passé. Tu déclares forfait. Prouve-leur qu’ils ont tort. Tu es terrifiante, n’oublie pas. Respire. Souffle la terreur. Ne disparais pas. N’abandonne pas tes démons. Ils t’ont toujours été fidèles.
“Je suis passé, futur, jamais présent. J’ai trop peur, je ne sais pas être autrement.”
“Elle t’a rencontré et la vie qui lui paraissait absurde ne l’était plus. Elle avait jusqu’alors respiré un air qui ne remplissait pas ses poumons. Mangé une nourriture dont elle n’aimait pas le goût. Parlé une langue qui n’était pas la sienne.”
Elle s’est regardée dans la glace.
Elle n’a pas cessé de t’aimer. Le mystère de l’Autre la rendait insaisissable.
Elle ne veut plus savoir qui elle est.
Elle a enfoui ses mots dans sa folie.
Elle a oublié. Après tout, elle avait peut-être tout inventé. La douleur a meilleur goût dans l’imaginaire.
M est magnifique. J’aime être dans son ombre. J’aime être celle qui regarde mais qu’on ne regarde pas. J’aime que ce soit lui le centre. Moi autour. Car s’il n’était pas au centre, je ne serais nulle part. Je me fous d’être désirable. Je suis désirante, amoureuse de la tête aux pieds. Je ne baise pas. Je fais l’amour avec M. À chaque entrée en moi, un je t’aime. Le mot tremble. Durcit. Résonne. S’emboîte à chaque organe. Indissociable.
Ainsi, je dédie cette partie de l'histoire à toutes celles qui sont nées, comme moi, de travers. Celles qui ont des sales prénoms, choisis par de sales parents. Des prénoms passe-partout. Des gueules passe-partout et cerveaux passe-partout. Toutes les petites vies sans importance parce qu'on leur a appris à vivre ainsi. Celles qu'on confond avec des garçons. Qui font semblant de ne pas être blessées. Qui portent des pantalons alors qu'elles rêvent de s'habiller en pute. Des putes, celles qui baisent par choix, qui pensent que c'est un métier comme un autre même si la société dit le contraire. Puis les autres. Celles qui se font taper dessus. Qui ferment leur gueule. Qui n'ont plus de dents. Plus de fierté. Plus d'identité. Juste un trou qu'on vient agrandir. Les obsédées de l'épilation, qui n'ont plus de sourcils et se les dessinent au crayon. Celles qui regrettent. Celles qui ont des crises d'acné à quarante ans. Qui n'osent pas se plaindre mais qui se sentent mal à en crever. Celles qui crèvent. De faim, de soif, de cancer, d'amour.
Il faut bien survivre. Rêver et mentir. Je ne guérirai pas. Je ne veux pas aller mieux. Je quitte l'hôpital avec mon sac et ma folie assumée. Je ne culpabilise plus d'être celle que je suis. L'amour est une belle maladie.