Citations sur Je l'aime (103)
Je n’ai pas le droit d’être épuisée, de faire des cauchemars. Je ne peux pas sortir en ville, crier, fuguer, fumer. Je ne peux pas être moi. Je ne suis pas en deuil. Je m’efforce de me tenir droite. La maison doit être propre. Moi aussi. Je lisse mon visage, mes expressions à coups de fer à repasser. Avoir l’air aimable. J’étouffe. Toujours avec le sourire et les tartines beurrées au petit déjeuner. J’étouffe.
Je n’éprouve aucune tristesse.
J’ai tout perdu. Je redoute l’après. Moi aussi, je veux faire durer ce moment, mon amour. Car si la mort a pris ton père, elle me prend mon mari, mon espoir.
Il s’en va. Ailleurs, un passé auquel je n’appartiens pas. Un passé où il ne m’en veut pas encore. M enfant joue avec son père. Il attrape son visage. S’accroche à lui. Le faire durer. Rester dans cet avion. Là où son père existe encore. Dans quelques heures, il sortira et son monde changera à jamais.
Prépare-toi à grandir. À faire des choix. Rencontrer celle que tu seras. Rester celle que tu seras. Sois exigeante, impatiente, impressionnante. N’esquive pas. Attaque. Demande toujours plus. Ne te contente pas de ce qu’ils te donneront. Frotte-toi à la dureté de ce monde. Change ce monde. Va chercher. N’attends rien, de personne. Jamais rien, mon ange. Jamais dans l’ombre. Jamais exclue. Tu es née dans l’amour. Tu seras forte, brillante. Tu n’auras besoin de personne. Ma fille, dors… Prépare-toi à être merveilleuse. À être celle que je n’ai jamais été. Tu feras de grandes choses. Tu seras regardée, admirée. Ma fille, mon grand projet. Je serai derrière toi. Je resterai derrière toi.
C’est un vertige invisible. La télé qui s’éteint. Écran noir là où le noir n’existe pas. Là où tout s’arrête. Passé, présent, futur ne comptent plus. Rien ne compte. L’absurde. Le frisson dans le dos. Imaginer le rien est impossible. L’esprit n’emmène pas, ne conçoit pas, ne visualise pas. Le rien ne se voit pas. Ne se rêve pas. Le rien n’existe pas. Pourtant il arrive. Pour certains plus vite que pour d’autres. Ne pense pas à lui mon ange, ne l’appelle pas. Il rend malheureux.
Être mère. L’inquiétude ne me quitte jamais. Je ponds les pires scénarios. Jamais de repos. Les yeux brûlent, cherchent, surveillent, fusillent, protègent. Instinct animal. Besoin de sentir la nuque de ma fille plusieurs fois par jour. De mordre. La lécher de la tête aux pieds. La ramener à la maison. Émerveillée par le moindre grain de beauté. Manque d’objectivité totale. Elle est le centre du monde. La plus belle partie de moi. Accélération.
On ne se cache pas dans l’eau.
Dans ma vie, ma fille ne meurt pas. Je refuse d’avancer. C’est bon les gars, on rembobine. J’ai dit, on rembobine ! Ma fille sort ses fesses de l’eau, m’appelle. Je ne ferme pas les yeux. Je me lève de ma serviette et vais la rejoindre. Tant pis pour la tragédie. Pas cette souffrance-là.
M, mon amour. Regarde-moi.
Ne jamais cesser de me regarder. M’aimer. Me donner tout ce dont j’ai toujours manqué. Souviens-toi. S’il te plaît… Souviens-toi.
Tu m’avais promis.
Je pleure. M me prend dans ses bras.
Mon amour, serre-moi fort.
Donne-moi tes lèvres.
M me trouve exigeante. Je le trouve égoïste.
Je ne céderai pas. Je préfère rester m’ennuyer ici, m’asseoir sur ce tapis, regarder des émissions culinaires, vider des caisses de rhum. Mes Caraïbes à moi.
Bonnes vacances ! L’été prochain, une cirrhose au foie…
Je suis déçue, profondément déçue.
Je tiens la main de ma fille. Inspiration. Je serre fort, très fort. Maman, tu me fais mal. Pardon, mon ange. Ma réussite. Mon grand projet. Sans elle, je m’écroule sur les pavés. Sans elle, mon retour dans cette ville n’a aucun sens. Je la regarde courir après les pigeons, je suis fière. Tant qu’elle se tiendra à mes côtés, je n’aurai pas de regrets.
J’aurais pu être prof d’histoire, actrice ou encore pute de luxe ; je suis maman.
J’aurais pu être un millier de choses mais j’ai choisi Daisy.
J’ai choisi de consacrer ma vie à aimer.