Gérer sa colère. Une belle formule pour ceux qui ont les moyens.
Des psychologues arborant pull à deux cents dollars et sourire condescendant, qui lui disent :
“Tu dois lâcher prise.”
“Pense au reste de ta vie.”
“Pense à la chance que tu as.”
“Le monde est magnifique.”
Le monde n’est pas magnifique. En tout cas, pas pour le Garçon, qui va devoir subir deux opérations de plus avant de pouvoir pisser sans tuyau et sans robinet.
Le Garçon avait huit ans lorsqu’il apprit la haine.
Aujourd’hui encore, il a du mal à se rappeler les événements dans l’ordre où ils s’étaient produits. Il sait comment l’histoire doit se terminer, mais il a beau essayer, les épisodes partent à la dérive dans son esprit comme les flocons dans une boule à neige.
Les cris et le sang avaient suivi la première explosion. Ça, il en est sûr. Tellement de sang.
La deuxième explosion. Il courait vers lui. Il se jetait sur un adulte, comme une bête enragée qui ne se soucie guère de n’avoir aucune chance. Il était grand pour son âge. Malgré tout, il n’avait aucune chance.
CHAQUE fois qu’on me pose la question, je réponds que ça fait bien longtemps qu’on se connaît, Junior et moi. Si quelqu’un me demande combien de temps, je lui réponds que ça n’est pas ses oignons. Personne n’a jamais insisté.
La vérité, c’est que ça remonte au Foyer. Un nom complètement ironique.
C’était toujours le Foyer.
Jamais notre foyer.
Le nom complet était le Foyer de garçons Saint-Gabriel. Ou Saint-Gab. Ou le Foyer Saint-Gab. En tout cas, ce n’était pas notre foyer. C’était à moitié un établissement de détention pour mineurs, à moitié un centre de réinsertion.
La plupart des gamins étaient orphelins de naissance. Junior et moi, on appartenait à la minorité. On avait eu une famille, à une époque. J’étais arrivé à huit ans, l’âge où j’avais tout perdu.
Imaginez ça. Essayez de vous rappeler vos huit ans. Essayez de vous rappeler tout ce qui comptait pour vous en ce temps-là. Et maintenant, imaginez que vous perdez tout.
LE Garçon avait huit ans lorsqu’il apprit la haine.
Aujourd’hui encore, il a du mal à se rappeler les événements dans l’ordre où ils s’étaient produits. Il sait comment l’histoire doit se terminer, mais il a beau essayer, les épisodes partent à la dérive dans son esprit comme les flocons dans une boule à neige.
Les cris et le sang avaient suivi la première explosion. Ça, il en est sûr. Tellement de sang.
La deuxième explosion. Il courait vers lui. Il se jetait sur un adulte, comme une bête enragée qui ne se soucie guère de n’avoir aucune chance. Il était grand pour son âge. Malgré tout, il n’avait aucune chance.
Pan. Il était mort. Comme ça. Il avait perdu connaissance, sans la moindre idée d’où il était. De l’heure qu’il était. De qui il est, ni où il est.
Pan. Il était ressuscité. Un curé. Il ne comprend pas ce qu’il dit. L’intérieur d’une ambulance, en train de se faufiler dans la circulation de Boston, le médecin incapable de retenir ses larmes tandis qu’il tente d’arrêter le flux de sang qui ne cesse de se déverser. Le Garçon ne savait pas qu’il avait tant de sang dans son corps. Il savait qu’il allait bientôt en manquer. Il était terrorisé.
Pan. Sur une civière. Des
- Il y a trois choses en lesquelles je ne crois pas, Junior: le Père Noël, un Dieu d'amour , et les coïncidences.
- Vous voyez, en temps normal, quand j'offre aux dames mon sourire à la Sean Connery, je suis étouffé par le flot de petites culottes qu'on me lance. Vous pourriez au moins me dire bonsoir.
- Bonsoir.
Il habitait au-dessus de moi depuis trois ans et je ne savais toujours pas son nom. Il y a quelques années, je l'avais chassé du Cellar après l'avoir surpris en train d'allumer une pipe à haschisch. Je pense que, depuis, il me considérait comme un outil de l'oppression de l'homme par l'homme.