La dictature n'est pas seulement une affaire de politique. Elle commence souvent sur le pas de la porte, dans le regard du frère, de la mère ou du cousin qui quémande insatiablement de quoi tenir un jour de plus et à qui on ne peut pas refuser sous peine de disgrâce.
L'amok était l'apanage des désespérés. Dida le savait. Il pardonnait d'avance à cette foule enragée, contaminée par le virus de l'injustice et du mépris. Il comprenait son désespoir.Il savait pour l'avoir expérimenté que la misère n'engendre rien de beau en l'homme, qu'elle réduit en poussière le vernis social.
La foule se battrait avec l'énergie des révoltés, des justes, des désespérés. Elle se battrait car elle n'avait rien à perdre, et aucune autre échappatoire. Ce peuple croupissait dans le caniveau de la vie, luttait chaque jour pour trouver de quoi espérer, n'arrivait plus à vaincre la misère et la faim, n'en pouvait plus de ce soleil sans pitié qui le tuait à petit feu. Il brûlait de rendre au centuple aux élites opulentes le mépris qu'il recevait et marchait maintenant vers un destin dont il n'osait dessiner les contours mais qui serait à coup sûr plus glorieux et plus brillant que cette vie misérable à laquelle il était condamné de naissance.