Citations sur La peine capitale (23)
Au croisement de l'avenue Arequipa il trouva une manifestation politique. (....) Ceux qui étaient furieux, c'étaient les automobilistes qui étaient pressés de rentrer à la maison et de voir le match. Leurs klaxons et leurs insultes noyaient les slogans des manifestants.
- Je ne veux pas de démocratie, merde! - cria l'un deux à bord d'une coccinelle Volkswagen -. Je veux voir le Mondial, moi!
(traduction du contributeur depuis le texte original "La pena maxima",2014, éd. Alfaguarra, p. 182)
Tu l'as dit toi-même: les élections sont dans une semaine. La police et l'armée sont en train de chercher des terroristes. Ils font des perquisitions. Ils emprisonnent des gens. C'est pourri mais c'est une nécessité de sécurité. Il faut défendre l'Etat. Et toi, tu travailles pour l'Etat. Alors, ne soulève pas le tapis. La merde qu'il y aurait dessous peut être la nôtre.
(traduction du contributeur depuis le texte original "La pena maxima",2014, éd. Alfaguarra, p. 87)
Les femmes ne se conduisaient plus comme des femmes. Les années 70 étaient désastreuses. Chacaltana aurait aimé vivre dans les années 30, ou 50, quand l'ordre régnait encore dans le monde.
– … But ! Buuuuuuut péruvien ! Et un sacré but ! Le “Petit” Cubillas se révèle dans cette coupe du monde en faisant un match historique ! Pérou 3, Écosse 1 !
À cet instant la clameur de la victoire éclipsa tous les bruits de Barrios Altos. Pendant le cri triomphal qui suivit, pendant les embrassades, les baisers, les éclats de rire, personne n'entendit les pleurs, angoissés et désespérés, d'un bébé dans un sac rouge, et encore moins la détonation définitive d'une arme à feu.
- Comme je vous l'ai dit ce matin, votre travail nous a agréablement surpris. Vous avez découvert la double identité de Joaquín Calvo. Vous avez résolu une affaire impossible. Et vous nous avez mis sur la piste d'un réseau international de trafics et d'activités subversives. Vous avez été beaucoup plus efficace que notre Service d'Intelligence, qui n'est hélas, pas particulièrement intelligent.
Il se posta à un croisement et tendit l'oreille. Il reconnut quelques paroles de la chanson, sa cadence solennelle et fière. C'était l'hymne national. Et il n'était pas chanté par les habitants des maisons. Il sortait des téléviseurs.
“Le foot, pensa-t-il, j'avais oublié.”
L'hymne terminé, un journaliste annonça la suite. C'était la première voix qu'on percevait nettement et il l'accueillit avec soulagement.
– Cette fois, ça y est, voilà le Pérou ! Avec Chumpitaz en défense, Cueto le “Poète gaucher” en milieu de terrain et le “Petit” Cubillas au centre, la meilleure équipe de notre histoire entre dans le stade de Córdoba. Nos garçons arrivent en Argentine, pour la Coupe du Monde 78, mûrs et prêts à créer la surprise. L'Écosse est un adversaire coriace, elle vient de vaincre la France et l'Angleterre, mais le Pérou a sûrement son mot à dire…
Il entendit un bruit familier. Une clameur étouffée qui traversait les portes closes. Au début, ce n'était qu'un murmure informe. Un grondement lointain. Mais il se transforma en une mélodie obsédante et exaltée. Peut-être L'Internationale, ou un hymne communiste. Il ne savait pas, et n'avait pas envie de savoir. Il voulait juste partir d'ici. Trouver ce robinet ou la sortie, avec ou sans son sac rouge.
Il avait besoin de toute cette agitation. Le tohu-bohu était une protection parfaite pour sa mission : un échange bref et sûr. Une livraison discrète et professionnelle, sans paroles ni gestes superflus. Deux hommes se rencontrent dans la foule, ils se saluent, un paquet change de mains et ils se séparent. Cela ne devrait pas prendre plus de cinq secondes.
Les rues étaient pavoisées de drapeaux du Pérou. Ils pendaient aux fenêtres, aux portes, aux carrefours silencieux, comme les linceuls rouge et blanc d'une ville morte.
Chacaltana se rappela le prisonnier politique du dépôt. Et les blagues du gardien :" On devrait te cogner un peu, de temps en temps. Mais pas parce que tu es subversif. Parce que tu es antipathique".