AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La pièce obscure (6)

D'ailleurs, le moment viendra où la pièce obscure ne sera pas suffisante non plus, même à l'intérieur vous ne serez pas en sécurité, elle finira par se fissurer, l'obscurité s'échappera par les fentes; mais vous ne le voyez pas parce que vous n'avez pas encore assez peur, vous espérez encore que tout ça ne soit qu'une parenthèse, une mauvaise passe, que viendra finalement un jour où vous vous réveillerez et où les grands titres des journaux diront la guerre est finie, la crise est finie, que nous fêterons ça en nous embrassant sur les places sous une pluie de confettis, qu'alors vous retournerez à l'endroit où vous étiez quand tout a commencé, que vous pourrez reprendre votre vie un instant suspendue, récupérer ce qui était perdu, tout ce que vous espériez, qui ne vient pas maintenant, et c'est pour ça que vous vous cachez: non pour qu'on ne vous voie pas mais pour ne pas voir, pour ne pas agir, pour laisser passer cette période jusqu'à ce que tout s'arrange; c'est pour ça que vous ne voulez pas non plus vous battre, que vous choisissez d'être inoffensifs, de protester mais sans rien casser, en agitant vos menottes en l'air, en dansant dans les succursales bancaires, parce que vous croyez que casser quelque chose compromettrait la venue de ce jour où tout redeviendra comme avant, et en attendant nous continuons à perdre des batailles, à nous replier tandis que les autres avancent.
Commenter  J’apprécie          00
Le monde s’écroulait pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les gens étaient jetés par le balcon avec tous leurs meubles, tous leurs souvenirs pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les malades mouraient dans les couloirs des hôpitaux en attendant un test de diagnostic pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les pères de famille faisait la queue avec leurs enfants devant les soupes populaires pendant que nous, nous baisions, tout heureux, les banquiers, leurs politiciens volaient à pleines mains pendant que nous, nous baisions, tout heureux, elle-même ne pouvait pas payer le loyer de sa chambre ce mois-là parce qu’on avait saisi la moitié de son indemnité de chômage pour payer une amende pendant que nous, nous baisions, tout heureux ;
Commenter  J’apprécie          240
En semaine, en revanche, la pièce obscure était plus que jamais un refuge. Pour certains, plus que cela : un bunker : les murs s’élargirent, le sous-sol devint plus profond, le plafond se voûta et l’obscurité se condense comme un emballage. Elle semblait résistante, à l’abri de l’effondrement général qui s’annonçait, qui menaçait, dont nous parlions encore avec plus d’enthousiasme que de crainte, un futur dont la terrible description nous amusait, parce que ce n’était pas de nous que nous parlions, cela ne nous arriverait pas, ce seraient d’autres que nous qui seraient licenciés, expulsés, jetés dans la misère, poussés à un appauvrissement qui rendrait plus insupportable la vieillesse. Si quelque chose nous effleurait, nous aurions toujours notre refuge. Ce n’était pas pour cela que nous avions construit la pièce obscure, pourtant certains d’entre nous la trouvèrent alors plus solide que leurs propres maisons, où le désarroi devenait grumeleux, se bloquait dans notre gorge. Pour la plupart nous étions encore indemnes, mais il y avait autour de nous des gens qui avaient moins de chance et nous regardions dans leur reflet menaçant : quand nous nous retrouvions le samedi nous faisions le décompte des pertes parmi nos connaissances, qui avait été licencié, qui s’était retrouvé sans emploi pour le prochain exercice, qui devait retourner vivre chez ses parents. Nous étions pour la plupart intacts, mais pas tous : certains furent atteints par ces premiers bombardements, ils devinrent des assidus du bunker.
Commenter  J’apprécie          190
Cette douleur initiale laissa court à la furie, obéissant à un signal que personne ne donna, que nous entendîmes tous cependant, nous nous jetâmes les uns sur les autres, avec une rapidité qui était un enseignement de la fois précédente, au cas où, à un moment ou à un autre, la lumière reviendrait. Nous nous traînâmes par terre en enfonçant nos os les uns dans les autres, en perdant tout repère du corps le plus proche, nous embrassâmes et fûmes embrassés, nous nous griffâmes en poussant les mains sous les vêtements, nous offrîmes boutons, fermetures Eclair, mordîmes tout ce qui était à notre portée, introduisîmes des doigts, secouâmes, écartâmes les jambes ou poussâmes avec le genou entre d’autres jambes, nous nous retirâmes à temps et cherchâmes un autre corps à renverser, nous nous fîmes mal, nous tachâmes mains et ventres, jusqu’à ce que peu à peu nous abandonnions, nous nous écartions du tumulte, pour rester dos appuyé au mur, en silence, écoutant les respirations comme s’il n’y en avait qu’une, nous reboutonnant, remettant nos chemises et T-shirts.
Commenter  J’apprécie          80
il nous semblait incroyable d'avoir été un jour les pièces d'un engrenage étonnant qui tournait dans la pièce: nous nous sentions désormais incapables de nous jeter sur ce corps, de le renverser, de mettre nos mains sous son chemisier, le laisser baisser notre pantalon; nous n'étions plus ceux alors qui s'étaient embrassés, masturbés, pénétrés, et qui avaient laissé une odeur âcre dans l'air, ceux que nous fûmes un jour et dont nous nous étions détachés comme des animaux qui en grandissant changent de peau, (....): nos écorces vides étaient restées là, disséminées par terre, abandonnées dans des étreintes et des copulations immobiles comme des cendres pompéiennes.
Commenter  J’apprécie          50
Nous avions des partenaires avec qui faire l'amour une fois par semaine, les premiers enfants étaient nés et nous, les mères, perdions notre appétit sexuel tandis que nous, les pères, nous nous masturbions en regardant du porno sur Internet quand tout le monde dormait...
Commenter  J’apprécie          192




    Lecteurs (32) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Littérature espagnole au cinéma

    Qui est le fameux Capitan Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte, dans un film d'Agustín Díaz Yanes sorti en 2006?

    Vincent Perez
    Olivier Martinez
    Viggo Mortensen

    10 questions
    95 lecteurs ont répondu
    Thèmes : cinema , espagne , littérature espagnoleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}