C'est alors que je comprends
pour la première fois je comprends
ça n'a pas d'importance
ça ne révolutionne pas le monde
ça n'interdit pas le dialogue
ça n'a pas l'effet désastreux
que je n'ai cessé de craindre.
pas besoin de se défendre
pas besoin de se refuser
pas besoin de se protéger
la géographie a vaincu mes résistances.
Je peux maintenant revoir le film
je n'ai plus peur
je n'ai plus honte,
je sais que je pleure
pour autre chose
que j'en profite pour m'abandonner
comme si l'abandon
était la condition nécessaire
suffisante
paradoxale
d'une future consolation.
Je pleure
je n'arrête pas de pleurer
je pleure sans discontinuer
je ne supporte pas l'idée
qu'ils se croisent sans se retrouver.
Le cinéma atteint les consciences par petites touches
Quand on se jette du septième étage d'un immeuble parisien, sans matériel particulier pour freiner sa chute, on le fait pour mourir.
Parachutes, deltaplanes, ballons, corde, mousquetons, aile, cape, filets, toiles, tapis, matelas
les moyens ne manquent pas d'éviter le pire
si donc on n'utilise pas tous les moyens pour survivre, c'est qu'on se jette pour mourir.
Le vertige paralyse celui qui y est confronté
et plus il est paralysé plus il a le vertige
car il est arrêté au milieu du vide
et le vide l'appelle et l'aspire
le vide lui fait des signes
il sait que le signe est un piège auquel il faut résister
mais il sait aussi que s'il plonge
cela mettra fin au vertige
à cette sensation intense et douloureuse
sur laquelle il n'a pas de prise
alors il hésite
et comme il ne pense qu'à cette hésitation
cela augmente encore son vertige
au point qu'au lieu de le protéger du danger de la chute
le vertige peut tout droit l'y conduire.
Dans Vertigo, celle qui tombe et celui qui a le vertige sont bien distincts, l'un tombe quand l'autre a le vertige, l'un tombe parce que l'autre a le vertige.
Aimer le cinéma, c'est s'offrir le luxe de la toute-puissance.
En général, les Juifs n'aiment pas qu'on mette en relation l'histoire de leur extermination avec d'autres histoires de génocide. Ils ne savent pas que la majorité de leurs interlocuteurs aimeraient eux aussi que ces évènements soient restés sans suite.
Le cinéma captive ceux qui cherchent des arguments pour ne pas ressembler à leurs parents.
La parole est une arme plus puissante que la défonce.
On peut vivre par procuration des choses incroyablement douloureuses.