Que font les rennes après Noël ?

Désormais, quand vous pensez aux rennes, vous les imaginez fuyant en troupeau les plaines contaminées, broutant des herbes irradiées en compagnie de poules transgéniques et d’ovoproduits de toutes sortes. Vous ne croyez plus au père Noël. Parfois, vous le regrettez.

La recherche en biologie montre qu’on peut isoler diverses molécules porteuses de la peur du noir, de la volonté de se contracter, de l’anxiété ou du stress. On aimerait que certaines molécules favorisent des apprentissages plus joyeux.

Le professeur McConnell a montré que certaines propriétés acquises peuvent se transmettre d’un animal à l’autre, même chez les invertébrés. Par exemple, on apprend à une planaire à se contracter à la lumière, on la conditionne par des chocs électriques. Une fois la propriété acquise, on la hache menu, on la donne à manger à une autre planaire et on constate que la planaire cannibale acquiert la propriété de se contracter à la lumière plus vite que la planaire victime. On en conclut qu’une propriété acquise s’est transmise par l’ingestion de cellules, autrement dit grâce au cannibalisme.

Soigner consiste à trouver le remède à un mal qu’on a soi-même, au préalable, inoculé.

J’avais un collègue qui travaillait sur les chats, ce qui est assez rare, pour voir l’influence de l’activité sensorielle sur la digestion, il les munissait d’une canule gastrique et les installait sur une sorte de hamac. Il les posait sur le ventre, leurs pattes pendouillaient au-dessus du plan de travail et il recueillait les sucs gastriques par la canule après les avoir stimulés avec des images et des odeurs, bref, un protocole de travail qui aurait pu paraître insupportable au grand public. Eh bien, les chats en question, au lieu de craindre le moment où on les posait sur les hamacs, se battaient pour aller sur le plan de travail. Ils savaient qu’au terme de l’expérience on leur donnerait des bonnes choses à manger.

Tout captif doit, pour survivre à l’absurdité de son existence, s’inventer des objectifs précis et dépenser toute son énergie à leur réalisation. Il est important, dans cette perspective, qu’il se fixe des buts extrêmement difficiles mais pas impossibles à atteindre. La conservation du captif dans un état physique et moral satisfaisant est fonction de sa capacité à se projeter dans l’avenir.

Il fut un temps où la loi prévoyait des élevages d’espèces proies destinées aux animaux se nourrissant exclusivement de bêtes vivantes mais cette loi a été amendée par une autre pour que le spécimen sauvage ne puisse aucunement être qualifié de tortionnaire, ce qu’il était pourtant du temps où les animaux vivaient dans la nature. On se souvient qu’à cette époque, le prédateur commençait à dévorer sa proie avant même de lui donner le coup fatal, méthode jugée à juste titre inhumaine par les autorités en charge du confort des hommes et des bêtes. C’est pourquoi les services vétérinaires ont transformé les loups, les fauves, serpents et ursidés, habituellement friands de chair fraîche, en charognards.

Chaque année, au moment de la Pâques, elle achète la carpe vivante, la plonge dans la baignoire, la laisse se fatiguer et se débattre puis la prend à pleines mains et la tue au marteau dans l’évier avec une violence que sa constitution de vieille dame n’aurait pas laissé présager. Le sang gicle sur les parois en émail, la bête se tord et essaye de fuir mais la réussite de votre grand-mère est totale. Il n’y a jamais aucun survivant. Toutes les carpes meurent inexorablement dans son évier les unes après les autres et finissent sous la forme de ce plat fade et légèrement sucré que vous avez en horreur et qu’on appelle avec un mélange de dégoût et de fierté communautaire « la carpe à la juive ».

On procédera à des entretiens préalables avec des candidats triés sur le volet, on s’assurera de leur équilibre mental, on les interrogera sur leurs motivations, sur leur histoire, on leur fera dessiner des maison, des arbres et des moutons, on leur posera des questions intimes sur leur enfance et sur leur vie sexuelle. On privilégiera ceux qui manifestent autorité, sens de l’organisation et de la responsabilité, et qui distillent en même temps un charme sourd susceptible à la fois de fléchir les dernières résistances des officiels et d’emporter l’adhésion du grand public.

Vous finissez vos études. Vous n'avez plus aucun prétexte pour ne pas quitter le domicile familial. Malgré vos efforts, vous ne savez toujours pas comment on s'y prend pour distinguer et séparer l'amour de la dépendance. Dans votre expérience, l'un et l'autre sont étroitement liés. Vous espérez que votre métamorphose ne tardera pas trop. Vous avez peur.