Citations sur A l'encre russe (75)
Je parlais des navires de croisières au Signor Kolt…
Un vaisseau gigantesque croise au loin, brillant de tous ses feus comme des diamants sertis dans un velours bleu nuit.
- Vous voyez, Signorina, ils longent la côte et ils saluent le Gallo Nero.
- Ils saluent ? répète Malvina.
- Oui, en italien, on appelle ça l’inchino, ça veut dire que le bateau se rapproche autant que possible de nous et donne un coup de sirène. En général, ils restent à quatre ou cinq milles de nous, mais l’été, ils viennent à un mille.
Alice se demande où il est, pourquoi il n'a pas répondu à ses derniers messages. Nicolas sait qu'elle s'inquiète de le voir offrir son prochain livre à un autre éditeur. Aussi lui a-t-elle signé le contrat le plus généreux qu'elle ait jamais proposé à un auteur (folie pure s'était-il dit en paraphant la page à côté de ses initiales à elle, comment pouvait-elle lui donner une telle somme pour un livre qu'il n'avait pas encore écrit, qu'il n'avait même pas encore en tête ? Il n'avait pas eu le courage de lui avouer tout de go qu'il n'avait pas commencer à écrire, parce qu'il trouvait plus exaltant de parcourir le monde et rencontrer tous ses admirateurs).
Progressivement, il se rendit à l'évidence. Rien ne sortirait de sa cellule de moine. Et une autre évidence, encore plus amère, le frappa alors. Il n'écrirait pas. Il n'y aurait pas d'autre livre.
Nicolas se sent déconnecté, comme s'il était assis sur le canapé, les bras croisés, spectateur de la scène. Il est calme, le visage de marbre, presque placide. Malvina ressemble à un papillon de nuit fou qui se grille les ailes en voletant autour d'une flamme.
Quand il avait commencé L'Enveloppe, il se souvient, Margaux Dansor l'avait pris par la main et entrainé à sa suite. Il sentait sa main, sa texture, lisse et un peu sèche, qui le serrait, le tirait.
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Ses mots ressuscitaient son père, lui donnait cher, le libéraient du manteau de poussière dans lequel le temps l'avait figé. Ils dépeignaient l'homme vrai, triomphant, qu'il avait été.
La question est de savoir si "Nicolas Kolt" écrira un autre roman. Surfera-t-il éternellement sur la vague du succès de l'Enveloppe, alimenté par des éditeurs rapaces qui engrangent les profits, jusqu'à ce que sa beauté se fane et qu'un autre écrivain-produit prenne la relève ? Il n'y aura pas de nouveau livre de "Nicolas Kolt". Il est trop occupé à s'admirer dans les miroirs qu'on lui tend.
La vie n'est pas une grande tournée littéraire, Nicolas. La vie, ce n'est pas être reconnu dans la rue par des lecteurs en extase. La vie ce n'est pas de savoir combien de gens te suivent sur Twitter et combien d'amis tu as sur Facebook.
Donc ils ont bien le droit d'être vaniteux. Ils règnent sur la littérature comme des rois, comme des empereurs. Dans un royaume où les émotions n'existent pas, où la vérité n'existe pas, où l'histoire n'a pas d'importance. La seule vérité, ce sont les mots sur la page et la façon dont ils prennent vie. C'est pour cela que les écrivains sont orgueilleux. Parce qu'ils sont les seuls à savoir leur donner vie.
Son père, c’était Gatsby » la réussite fulgurante mais amoureux de son amour de jeunesse ? étrange comparaison.