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Citations sur L'Invisible (11)

L'invisible dont il est question ici ne concerne pas le domaine des objets qu'une impossibilité matérielle interdit de voir (tel un visage plongé dans l'obscurité), mais celui des objets qu'on croit voir alors qu'ils ne sont aucunement perceptibles parce qu'ils n'existent pas et/ou ne sont pas présents (tel un visage absent d'une pièce éclairée). Cette sorte d’« existence » d’objets non existants, ou de visibilité de ce qui est invisible, si on la conçoit indépendamment de toute pathologie hallucinatoire, semble évidemment une contradiction dans les termes.
Cependant de tels objets existent, et ils sont légion. Car ce que j’ai appelé ailleurs la « faculté anti-perceptive » est double et complémentaire. Faculté, d’abord, de ne pas percevoir ce qu’on a sous les yeux ; mais aussi faculté de percevoir ce qui n’existe pas et échappe ainsi nécessairement à toute perception : de voir (ou de croire voir) ce qu’elle ne peut voir, de penser ce qu’elle ne pense pas, d’imaginer ce qu’en réalité elle n’imagine pas. Car l’homme possède la faculté de croire souvent appréhender des objets éminemment équivoques, dont on peut dire à la fois qu’ils existent et qu’ils n’existent pas. Ce sont sans doute là moins des perceptions illusoires que des illusions de perception. Les objets paradoxaux suggérés par ces illusions sont naturellement très différents des mirages qu’on peut voir en mer ou dans le désert (d’abord parce que le mirage consiste en une image que chacun peut percevoir réellement ; ensuite parce qu’ils reflètent un corps réel situé au-dessous de l’horizon, alors que l’illusion de perception allie l’invisibilité à l’inconsistance). Pour le dire en mot : si, dans l’illusion de perception, l’objet de la vision n’existe pas, la « vision » de l’objet, ou son imagination, n’en existe pas moins. Mais que voit-on, quand on ne voit rien ? Et de même, pour reprendre une question de Jean Paulhan : que pense-t-on, quand on ne pense à rien ?
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Il est une personne qu'on ne reconnaît jamais parce qu'elle est constamment invisible, et c'est évidemment soi-même.
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La chose dont on rêve de loin et qui déçoit de près illustre bien la connaissance selon Nivernois : elle est petite vue de près, mais grande vue de si loin qu’on ne la voit pas.
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La simple lecture de copies d’étudiants, notamment si ceux-ci étudient la philosophie, témoigne par exemple surabondamment de l’existence de cette faculté étonnante de ne rien penser alors qu’on croit de bonne foi penser quelque chose ; en quoi ces étudiants n’ont d’ailleurs pas entièrement tort : car, si la pensée n’existe pas, la copie est là qui en témoigne, ou prétend en témoigner.
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La vision de l'invisible, ou plutôt la suggestion d'une telle vision, peut constituer non pas la matière d'une illusion, mais la matière d'une création d'ordre poétique.
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"Voilà" est devenu ainsi un mot-clef qui explique tout et répond à tout et ce dans tous les domaines.
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[A propos du tableau Que viene el Coco] Ce qui retient aussitôt l’attention dans la gravure de Goya est que, contrairement à ce qu’annonce le titre et ce que dit la chanson, le Coco redouté n’est pas sur le chemin qui le conduit à sa victime, mais est déjà arrivé, et même si présent qu’il occupe la moitié de l’image. Le titre de la gravure pourrait être « Voilà le Coco » ou « Le Coco est là ». Irruption massive d’un corps vêtu d’on ne sait quelle toile, d’une sorte d’énorme Père Ubu qui encombre déjà plus de la moitié de la chambre qu’il investit, tel un gros éléphant blanc entré par mégarde dans un magasin de porcelaine. Le plus curieux de l’affaire n’est d’ailleurs pas la figure (et le volume) de l’apparition mais dans l’apparition elle-même, dans le fait que l’apparition apparaisse. Car le Coco était certainement annoncé, mais pas du tout attendu. Le Coco va venir, menace l’adulte ; mais tout le monde sait qu’il ne viendra pas. Or le voici qui paraît : el mismisimo Coco en propia persona, comme pourrait dire Fernan Caballero.
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C’est d’ailleurs une des vertus de Goya que de représenter l’inimaginable, l’inexistant, et ce de la manière la plus réaliste qui soit. Par « réaliste » j’entends ici la manière qu’a Goya de montrer qu’un objet, ou une scène, tout à la fois existe et n’existe pas, ou du moins n’existe que dans l’imaginaire. Il y a souvent deux plans distincts dans les gravures ou les tableaux de Goya, deux « sites » de réalité en quelque sorte, l’une pour l’existence, l’autre pour l’imaginaire, et le miracle est que ces deux plans coïncident […].
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« Car un visage réel, perçu en chair et en os, est tout aussi mobile et insaisissable que le visage qu’on tente d’imaginer à partir d’une esquisse. C’est pourquoi d’ailleurs il n’existe pas d’objet d’amour : pas de visage ou de corps dont puisse s’éprendre, mais une infinité de visages et de corps qui voltigent autour de la personne aimée […].
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La conclusion du premier mouvement d’une symphonie de Dvorak (symphonie en fa majeur, assez rarement jouée) illustre bien cette sorte de mutisme, de « silence musical » ou de « musique qui se tait » comme dirait Federico Mompou (Musica callada). Dvorak a développé cet allegro initial autour d’un thème simplissime qui apparaît dès la première mesure de l’œuvre et consiste en une broderie en arpège du deuxième renversement de l’accord parfait de fa majeur : do fa ; do la do fa la fa. Il conclut son premier mouvement par ce même thème énoncé paisiblement en solo, sans le moindre soutien harmonique hormis la tenue de l’accord de fa majeur, aussitôt suivi d’un point final (c’est-à-dire sans la succession d’accords qui annoncent généralement, dans la symphonie romantique, la fin du morceau par une péroraison académique, parfois interminable et pompière). Cette fin peut prendre l’auditeur de court, comme surprirent en leur temps les fins abruptes de Ravel, bientôt suivi par les compositeurs qui héritèrent de lui l’art de savoir interrompre. – Quoi, c’est déjà fini ? – Oui, c’est fini, j’ai dit tout ce que je voulais dire. – Mais que vouliez-vous dire au juste ? – Eh bien, précisément cela : do fa ; do la do fa la fa. Le poumon, vous dis-je.
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