Citations sur La joie est plus profonde que la tristesse (40)
Toute la force de l'être humain consiste en ceci : savoir que l'on va vieillir, souffrir et mourir, et être heureux en assumant pleinement cette pensée. Seul celui qui accepte le caractère inéluctable de la mort, si bien qu'il n'y pense même plus, sera capable de s'ouvrir à la plénitude de la vie.
Quatrième entretien. Nietzsche ou l'extrême optimisme, p. 79-80
Quand on vous jette une pierre dessus, ce n'est pas une idéée de pierre qui s'écrase sur votre figure.
Premier entretien. Le réel finit toujours par prendre sa revanche, p. 28-29
Sans l’obscurité, il n’y aurait pas de lumière. Si tout est rose, rien n’est rose (comme le disait Jankélévitch). J’ai tendance à penser que l’allégresse est l’état premier, le plus profond chez n’importe quel être vivant ; en tout cas, il en va ainsi chez moi. Cependant, il arrive que l’allégresse soit le résultat d’une mélancolie surmontée. Le point de départ de ma philosophie est la conscience du tragique de l’existence : tout est promis à disparaître, la mort nous entoure et nous sommes menacés par notre propre inconsistance. Or la tentation est forte de refuser en bloc ces considérations déplaisantes. Ce refus du tragique, donc de la réalité, se paie très cher. À l’inverse, la capacité d’admettre la part tragique du réel est pour moi la pierre de touche de la santé morale et de l’allégresse. Il faut apprendre à vivre avec le tragique. C’est pourquoi je distingue deux axes dans l’histoire de la philosophie : les philosophes qui accordent une place au tragique – Pascal, Nietzsche… –, et ceux qui s’échinent à l’évacuer par la rationalisation excessive du monde – Platon, Kant, Hegel…
Le meilleur des mondes n’est pas celui où l’on obtient ce que l’on désire, mais un monde où l’on désire quelque chose.
C.R : Pour nombre de penseurs, l’enjeu de la philosophie n’est pas de changer le monde, ni de l’interpréter, mais plutôt de partir en quête de la sagesse, du bonheur. Ainsi, philosopher, c’est rechercher une bonne entente entre la réalité et soi-même.
Nous sommes dans l’incapacité foncière de définir notre identité personnelle, quelque mal que nous nous donnions pour y parvenir. Nous connaissons des aspects de notre moi, mais pas sa totalité. Nous ne nous saisissons que comme un assemblage de perceptions disparates. Je sais si j’ai chaud ou froid, si je suis en colère ou joyeux, si telle pensée ou telle chansonnette me trotte dans la tête. Il y a une collection de sensations et d’idées qui se promènent en moi.
L’une des grandes bizarreries de Freud est sa tendance à exonérer de toute responsabilité les pères. Freud, comme vous le savez, entretenait lui-même avec son père une relation complexe et insolite. Par exemple, il a mis des années avant d’oser voyager jusqu’à Rome, car il associait le pape au père, et redoutait de vouloir l’assassiner ; une fois, il a même été extrêmement troublé au bord du lac Trasimène, car il s’est identifié à Hannibal, qui avait remporté en ces lieux une victoire éclatante et voulait renverser César. Non seulement Freud a caviardé l’histoire d’Œdipe en ne mentionnant pas le crime de Laïos, mais il a fait la même chose dans un chapitre célèbre de ses Cinq psychanalyses à propos du du président Schreber.
C.R : J’ai tendance à penser que l’allégresse est l’état premier, le plus profond chez n’importe quel être vivant ; en tout cas, il en va ainsi chez moi. Cependant, il arrive que l’allégresse soit le résultat d’une mélancolie surmontée.
Chaque vie va finir et cette règle ne souffre pas d’exception. Nous voici face au réel le plus indésirable. Je pense que la finitude de la condition humaine, la perspective intolérable du vieillissement et de la mort, suffisent à expliquer l’obstination si constante, si répandue des hommes à se détourner de la réalité.
Je viens je ne sais d'où
Je suis je ne sais qui
Je meurs je ne sais quand
Je vais je ne sais où
Je m'étonne d'être aussi joyeux.
Épitaphe de Martinus von Biberach, citée par Clément Rosset dans Loin de moi (1999))