Lorsqu'un producteur propose au narrateur, metteur en scène avant-gardiste, de monter un spectacle autour d'Odette, LA célèbre accordéoniste, celui-ci, bien que flatté, n'en est pas moins sceptique, tant un gouffre artistique sépare l'organisateur de théâtre de la reine déclinante du piano à bretelles.
Quelques heures plus tard pourtant, à la fin d'une représentation, le metteur en scène croise Odette au restaurant où il est allé dîner avec sa troupe. Cette drôle de coïncidence fait office de détonateur. le « metteur » y voit un signe du destin, une injonction venue de loin, il accepte le projet, il va travailler avec la star de variété octogénaire à accordéon et cheveux rouges.
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L'étoile et la vieille » narre cette rencontre improbable, la réunion de l'icône de la musique populaire avec la musique savante, de la vieille dame kitsh et du « metteur » intello.
En mettant en présence deux personnes à des années-lumière l'une de l'autre,
Michel Rostain ordonne un festival de bonne humeur animé d'émotions vives et contrastées.
La première partie, joviale et enjouée, offre des moments piquants, empreints de sourires et de badinages. le metteur est sous le charme, devenu satellite, en apesanteur autour de l'astre Odette. Son extraordinaire présence scénique et artistique, sa fascinante personnalité, opèrent chez l'homme incertain et un brin indolent, un puissant magnétisme.
Malgré leurs différences, personnelles, générationnelles ou musicales, les deux artistes apprennent à se découvrir, à s'apprécier, à s'aimer.
Entre eux, ça crépite de tendresse et de respect, mais ça fait aussi des étincelles, ça crée des turbulences atmosphériques, ça occasionnent des télescopages inattendus dans une mise en scène colorée. Puis peu à peu le décor s'assombrit, la partition se joue sur les accords dissonants d'une boîte à chagrins. L'air de musette s'empreint de nostalgie.
Car Odette est une vieille étoile, proche de la disparition. Passée en mode alternatif, elle ne brille plus que par intermittence, elle clignote et papillote comme une enseigne lumineuse en voie d'imploser, son noyau dur fait des siennes, ses neurones s'emballent, Odette décline, et chaque jour qui passe, le metteur doute de plus en plus qu'elle puisse assurer le spectacle.
Le compte à rebours affiche le grand âge d'une étoile affaiblie à l'éclat voilée. Sa musique embrouillée, son esprit confus, ne révèlent plus la star adulée mais plutôt la vieille dame qui se rapproche dangereusement du trou noir, aux prises avec un temps désormais assassin.
Le spectacle pourra-t-il avoir lieu ? « The show must go on » dit-on, oui mais…quand une étoile n'émet plus que des rayons diffus, que faut-il faire? Jouer ou annuler? Tenaillé entre empathie et évidence, le metteur, tout comme le lecteur, compte les heures qui le séparent du lever de rideau…
Après le récit autobiographique « Un fils », Prix Goncourt du premier roman 2011, l'auteur s'inspire à nouveau de la réalité pour relater ce rendez-vous artistique teinté d'humour tendre aussi étonnant qu'inattendu.
Malgré l'inutilité de casser le rythme du roman en dévoilant de façon saugrenue, en plein milieu de récit, la source d'inspiration du texte et imposer ainsi de façon radicale le nom de la célèbre accordéoniste
Yvette Horner derrière le personnage d'Odette, «
L'étoile et la vieille » est un sympathique et émouvant roman sur la passion musicale, sur les affres de l'âge, sur le douloureux déclin de l'artiste.
S'il y a ça et là quelques couacs harmoniques, quelques longueurs et inégalités, l'on prend toutefois plaisir à écouter vibrer « le branle-poumon » d'Odette/Yvette sur la scène imaginaire de
Michel Rostain.
Merci aux éditions Kero et à Babelio pour cette opération Masse Critique.