Citations sur Chronique du tueur de roi, tome 2.1 : La peur du sage (57)
La plupart des choses nous lâchent, avec l'âge. Mains et dos s'ankylosent, la vue baisse, la peau se fripe et la beauté s'évanouit. La seule exception, c'est la voix. Bien entretenue, la voix ne fait que se bonifier au fil du temps
— Reshi, non ! cria Bast d'un ton alarmé en désignant la planche à découper. De la betterave ?
Kvothe baissa les yeux et regarda la grosse boule rouge comme s'il était étonné de la trouver là.
— Ne mettez pas de betterave dans la soupe, Reshi ! C'est infect.
— Beaucoup de gens aiment ça, Bast, expliqua Kvothe. Et c'est très bon pour la santé, en particulier pour la circulation du sang.
— Je déteste la betterave, insista Bast d'un ton pitoyable.
— Étant donné que c'est moi qui m'occupe de la soupe, rétorqua calmement son maître, j'y mets ce que bon me semble.
Bast se leva pour se précipiter vers le comptoir.
— Dans ce cas je m'en charge, déclara-t-il en lui faisant signe de dégager les lieux. Allez me chercher des saucisses et du fromage bleu.
Il poussa Kvothe vers les marches de la caves avant de détaler vers la cuisine en bougonnant.
Kvothe lança à Chroniqueur un sourire triomphant.
— Le sort de ce garçon ne m'intéresse pas, a déclaré Lorren avec un calme inébranlable. C'est celui des Archives qui me préoccupe.
Elodin m'a pris par l'épaule pour me pousser en avant.
— Attends un peu ! Qu'est-ce que tu dirais de ça ? Si jamais tu le chopes en train de déconner, je lui coupe les pouces. Tu trouves pas que ça ferait une punition exemplaire ?
Lorren nous a regardés lentement tous les deux puis a hoché la tête.
— Très bien, a-t-il lâché avant de refermer sa fenêtre.
— Et voilà, s'est écrié Elodin, la mine réjouie.
— Mais bon sang ! ai-je fais en me tordant les mains. Je... Je...
Elodin m'a considéré d'un air perplexe.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Le problème est réglé, non ?
— Vous ne pouvez pas proposer comme ça qu'on me coupe les pouces !
Il a haussé les sourcils.
— Tu as l'intention d'enfreindre de nouveau les règles ? a-t-il demandé fort à propos.
— Non, mais...
— Alors il n'y a pas lieu de t'inquiéter, a-t-il conclu en revenant sur ses pas. Enfin... en principe. Si j'étais toi, je me tiendrais tout de même à carreau avec Lorren. Je n'arrive jamais à savoir s'il est sérieux ou pas.
— On peut diviser l'infini un nombre infini de fois et le résultat sera toujours infiniment grand, a dit Uresh avec son étrange accent lenatti. Mais si l'on divise un nombre non infini un nombre infini de fois, le résultat sera non infiniment petit. Étant donné que ce dernier est non infiniment petit mais qu'il en existe un nombre infini, si on les additionne de nouveau, leur somme est infinie. Ce qui implique que n'importe quel nombre donné est de fait infini.
— Eh bien ! a finalement lâché Elodin après un long silence, la mine grave. Uresh, ta prochaine mission sera de coucher avec une fille. Si tu ne sais pas comment t'y prendre, viens me voir après le cours.
J'avais grandi sur les planches et mon père jouait des rois si convaincants que, lorsqu'il entrait en scène, les spectateurs se découvraient en signe de respect.
Nous aimons ce que nous aimons. La raison n'a rien à voir là-dedans. A bien des égards, l'amour irraisonné est le plus authentique. N'importe qui peut aimer quelque chose pour une raison, ce n'est pas plus difficile que de glisser un sou dans sa poche. Mais aimer quelque chose malgré tout, en connaissant ses défauts et en les aimant eux-aussi... C'est là un sentiment rare de perfection et de pureté.