Citations sur Chronique du tueur de roi, tome 2.1 : La peur du sage (57)
A propos des secrets, Teccam affirme, dans son Theophany, qu'il s'agit là des plus douloureux trésors de l'âme humaine.
Ces rues n'étaient pas dangereuses, à proprement parler. Disons qu'elles l'étaient à la manière d'un tesson de bouteille. Un tesson de bouteille n'est pas dangereux en soi, on peut même le manipuler, en faisant preuve d'une certaine prudence. Alors qu'il y a des rues aussi dangereuses qu'un chien l'écume à la gueule: vous aurez beau faire preuve de la plus grande prudence, vous ne serez jamais à l'abri d'une morsure.
l'orgueil est le luxe des forts
Son bois avait la couleur du café corsé, de la terre fraîchement retournée. La ligne de son corps bombé avait la perfection d'une hanche de femme. Il était tour à tour échos étouffés, tambourinade et notes perlées. Mon luth. Mon âme intangible.
- Alors, ça te plairait de faire sa connaissance?
Elle a jeté un coup d'oeil en direction de l'allée puis a secoué la tête, sa chevelure comme une ombre mouvante.
- Non, je ne crois pas. Et puis, ma robe est toute froissée. Que penserait-il?
- Et moi, j'ai des feuilles mortes dans les cheveux. Je n'ai pas le moindre doute sur ce qu'il pourrait penser.
Kvothe laissa errer son regard sur les murs de la salle, comme pour s’imprégner de tous ces détails, puis il inspira profondément. Un sourire fugace illumina son visage, et l’espace d’un instant, il n’eut absolument plus rien d’un aubergiste. Ses yeux luisaient d’un éclat vif, verts comme des brins d’herbe.
Vous êtes prêts ?
-Que pourrais-tu faire ? Avoir un mot avec lui, entre gentilshommes, pour lui rappeler que les femmes doivent être traitées avec respect et dignité ? Bonne chance !
Pour toute réponse, je lui ai adressé mon plus charmant sourire. La vérité, je la lui avais déjà avouée : je n'étais pas un gentilhomme, j'étais un voleur.
J'ai entendu ce que les poètes écrivent sur les femmes. Ils rimaillent, abusent du dithyrambe et ils mentent. J'ai vu des marins sur le rivage regarder sans un mot les vagues qui se forment lentement sur la mer. J'ai vu de vieux soldats au cœur endurci avoir la larme à l’œil à la seule vue des couleurs de leur roi claquant dans le vent.
Ecoutez-moi bien. Ces hommes ne connaissent rien à l'amour.
L'amour, vous ne le trouverez ni dans les mots des poètes ni dans le regard nostalgique des marins. Si vous voulez savoir ce que c'est, regardez les mains d'un ménestrel lorsqu'il interprète sa musique. Lui connaît l'amour.
-Et toi, qu'est-ce que tu m'as apporté ? ai-je rétorqué.
Un grand sourire a éclairé son visage.
-J'ai une pomme qui se prend pour une poire, a-t-elle répondu en me la montrant. Et un petit pain qui se prend pour un chat. Et une laitue qui se prend pour une laitue.
-Elle est plutôt maligne, alors.
-Pas vraiment, a-t-elle remarqué en faisant la moue. Il ne faut pas être très malin pour se prendre pour une laitue.
-Même si on est effectivement une laitue ?
-Particulièrement dans ce cas-là. C'est déjà suffisamment affreux d'être une laitue, inutile de penser par-dessus le marché qu'on en est vraiment une.
-Je vais faire comme tout le monde, me préparer à l'examen.
-Mais comment ? Tu es toujours banni des Archives, non ?
-Il existe d'autres sortes de préparation, ai-je répondu d'un ton mystérieux.
Wilem a ricané.
-Voilà qui m'a encore l'air bien suspect... Et tu te demandes pourquoi les gens bavardent à ton sujet.
-Je ne me demande pas pourquoi, je me demande ce qu'ils peuvent bien dire.