Citations sur Il suffira d'un signe (9)
Et elle va la faire chanter, parce qu’elle s’élève quand elle chante, elle a une voix enchanteresse, qui attrape les idées noires et les transforme en bulles de champagne.
Je n’ai jamais écrit pour être lue. Je prends plaisirs à imaginer, à inventer, à faire virevolter les histoires et les personnages, ça me vide la tête, j’oublie les soucis et je réalise une partie de mes rêves impossibles en empruntant ce chemin-là…
Qu'est-ce que vous allez embêter des gens sérieux en leur envoyant les tribulations d'une mère célibataire perdue à Paris qui ne sait pas quoi faire de ses nuits blanches ?
Elle se repositionne face à l'écran, jette un coup d'oeil à l'heure. Encore une heure et elle enfilera son costume de gardienne. Celui qui dissimule si bien le secret qu'elle garde au chaud derrière ses murs, et dont elle préserve les locataires, de crainte de les blesser et de les faire s'enfuir.
Elle se trouva belle finalement, avec ses hanches un peu plus féminines, ses épaules pleines, et ce chignon sévère, certes, mais qui mettait bien en valeur son visage et qui lui donnait un air presque conquérant.
Décortiquer les contrats de travail, les baux, les échéanciers de remboursements, les bulletins de paye, les contrats d’assurance, les factures, les avoirs, les déclarations en tout genre, sociales, fiscales, commerciales, immobilières, de cette société, n’avait rien de plus compliqué que tout ce que l’on avait pu lui confier tout au long de ses dix mois de stage. Compliqué n’était donc pas le mot. Sensible était plus juste.
Un métier pour lequel elle doit déployer des ressources invraisemblables sans jamais sourciller ni se mettre en valeur. Un drôle de métier à défaut de ne pas être vraiment un métier drôle.
Autant dire que sa licence de droit, son diplôme supérieur de comptabilité et de gestion et son master « pratique contractuelle et contentieux des affaires », avec leurs cortèges respectifs de stages accumulés ces dernières années, ne la destinaient pas à travailler dans un salon de beauté. De haute coiffure, pardon.
Il faut qu’elle trouve un nom. L’étape du nom est toujours amusante. Et décisive. Elle regarde autour d’elle, lit les enseignes des boutiques, les affiches sur les murs, les publicités sous les arrêts de bus et sur les colonnes Morris… Marie et Sophie. Marie-Sophie. Un nom composé, chic, un peu précieux et hors du temps, élaboré, sophistiqué, mais joyeux aussi. La femme-opéra s’appellera Marie-Sophie. Une fois le prénom choisi, Jeanne sait qu’elle dispose d’un peu de temps. Elle laisse sa nouvelle compagne s’installer dans un coin de son imagination, entre la jeune fille frêle au gros cartable, Manon, et la grand-mère qui vend des gaufres, Camélia.
L’histoire de la femme du métro refait irruption, chatouille ses pensées comme un serpentin, s’enroule autour d’elle. Elle a déjà beaucoup de personnages, toute une galerie même, il vaudrait mieux qu’elle cesse d’agrandir le cercle, mais la « femme-opéra » insiste, frappe encore à la porte, doucement, alors elle décide de la laisser entrer.