Un oeil sur le moniteur, l'autre sur le plateau, je me dis que le cinéma, c'est de la haute couture, de la peinture. Un tournage, c'est un concert où chaque note a son importance, un tableau où le plus petit coup de pinceau est important. Le cinéma, c'est tout sauf du cinéma.
J'ai juste retenu "Deviens ce que tu es"". Comme s'il avait écrit ça pour moi. Je tourne et retourne le galet, il a passé des siècles à devenir ce qu'il est. Il était falaise, un jour, il sera grain de sable. Il est mon contraire. Je dois ramasser mes morceaux éparpillés. Un jour, je serai moi.
Plus tard, pendant que les décorateurs mettent la scène suivante en place, je rejoins Val. Elle prépare ses transparents de couleur.
- Congo blue... tu connais ? Regarde.
Elle pose le filtre devant mes yeux.
- Ça transforme le jour en nuit, le gris du quotidien en bleu mystère. C'est beau, hein ?
Je fixe un projecteur à travers la gélatine, elle continue :
- Pendant un tournage, en Italie, j'ai connu une drôle de fille. C'était l'année dernière. Elle disait que sa vie était du congo blue. Elle faisait passer ses jours pour des nuits, ses mensonges pour des vérités.
Ma vie est une pile de Kapla qui dégringolent.
Je me retrouve assise devant un miroir comme j'en ai toujours rêvé : grand, avec des ampoules tout autour. J'ai les yeux qui brillent, mieux qu'à la fête foraine, je suis au pays d'Alice. Mais les merveilles s'éparpillent à mes pieds quand une grosse femme se plante derrière moi, saisit mes cheveux dans sa main géante et les tire en arrière. Je crie.
- T'es bien chochotte, ma cocotte. Faut souffrir pour faire la star.