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140 pages
Aubert et Lavigne (01/01/1841)
5/5   1 notes
Résumé :
I - Généalogie de la portière
II - Des rapports de la portière avec le propriétaire et les locataires
III - Intérieur du ménage de la portière
IV - Le mari de la portière
V - Tribulations
VI - Tracasseries de la portière
VII - Contributions indirectes
VIII - Le 1er janvier - les étrennes
IX - Les cartes de visite
X - Les appartements à louer
XI - De l’influence de la portière sur toutes les ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Revanche, amertume et orgueil ; tel est le triptyque de la portière, étrange créature sans liens familiaux, tout droit sorti d'on ne sait quel enfer : « Avez-vous déjà vu une portière qui ait un père ou une mère ? C'est un produit anonyme, qui vient au monde par juxtaposition comme les champignons et les truffes »

Son pouvoir inspire la crainte, elle tient votre quotidien au bout d'un fil, ce cordon qui ouvre la porte : « Elle peut, selon son caprice, vous faire la vie douce ou changer votre existence en un enfer anticipé ». Aussi, elle scinde les locataires en deux camps : ceux qui, hypocrites et diplomates, passent leur temps à endormir l'ignoble cerbère et ceux qui la narguent ou entrent en guerre contre elles. Ces derniers sont plus rares, car on ne gagne jamais contre un tel monstre.

Un rien l'irrite et c'en est finit pour le malheureux locataire : « pour peu que vous ayez fait une observation à la portière, que vous ayez négligé de la saluer en passant… Vous pouvez être sûr qu'elle vous jouera tous les tours qui sont en son pouvoir »
Une lettre urgente sera remise tardivement mais elle vous apportera en main propre avec empressement la signification d'un huissier tout en faisant savoir à tout l'immeuble et devant ses proches si possible que le destinataire est un bien mauvais payeur.
Sa plus savoureuse humiliation est de laisser gémir le locataire dehors sous la pluie quand, passé minuit, l'immoral noctambule demande à ce qu'on lui ouvre la porte.
Dans les pires cas de figure, elle ira jusqu'à radoter au propriétaire qu'un tel dégrade la maison, qu'il arrache les pierres, qu'il gratte les plombs et gouttières, qu'il a des chats qui se livrent à un vacarme nocturne… Pour peu que le beau-père, dans son étude de moeurs avant mariage, la questionne et le locataire est fichu !

De manière générale, comme les portières prétendent toujours qu'elles ont eu des malheurs dans la vie et qu'elles ne sont pas nées pour servir, qu'une grande noblesse se dissimule derrière leur misérable position, il s'ensuit qu'elles ne vous servent pas du tout.

Le peu de fois où elle justifie sa position, cela ne se fait rarement sans « contributions indirectes ». Un impôt à part entière qui s'ajoute au loyer, l'augmentant d'un quart environ. Une voiture de transport décharge des bûches ? La portière s'octroie, droit de passage oblige, une bûche parmi celles livrées. Agissant de concert avec les domestiques de tout l'immeuble, chaque fois que l'une d'entre elles descend à la cave pour y récupérer des bûches ou du vin : même taxation. Il lui faut encore s'éclairer à la bougie aux frais des occupants ; percevoir une commission sur les ports de lettres et amasser des étrennes le 1er janvier, seul jour de l'année où elle sera souriante et serviable.

Les propriétaires malins délèguent la gestion des baux à la portière, avec gratification dès qu'un bail est signé. Ainsi stimulée, jamais les logements se trouvent inoccupés bien longtemps, car elle a, lors des visites, une adresse phénomène de persuasion : « Triste, Monsieur ? Il n'y a rien de gai comme ça… C'est parce qu'il n'y a pas de meubles (…) Sombre ? le temps est si noir aujourd'hui, c'est pas étonnant, c'est plutôt trop clair (…) Pas d'armoire ? Un porte-manteau vaut bien mieux… Les habits se chiffonnent dans une armoire (…) »

Elle a sans cesse autour d'elle une cacophonie de chats, chiens, de coqs, de serins, de perroquets sans domicile, au détriment du repos des occupants. Mais parmi ces êtres vivants, sa plus forte attache est sa fille en qui elle fonde tous ses espoirs de revanche sociale.
Naturellement, elle est tout aussi insupportable que la mère : « et il serait difficile qu'il en fût autrement, d'après la façon dont elle a été éduquée. Dès qu'elle est en âge de comprendre quelque chose, sa mère sème dans sa jeune tête des idées d'orgueil et de grandeur, au milieu desquelles éclatent des paroles de regret et d'humiliation sur l'état auquel les évènements ont réduit la pauvre femme. La petite Paméla grandit ainsi avec la conviction qu'elle n'est pas à sa place, et que tôt ou tard elle retrouvera le niveau qui doit être le sien »
Faire de leur fille une actrice ou une chanteuse est l'unique ambition qui obsède les portières. Si sa fille a le moindre succès, même minime, la portière le clamera à toutes les conversations : « Figurez-vous, ma brave dame, qu'elles sont toutes jalouses d'elle ! ».
Elevée comme une petite sotte de chipie, la fille n'aura aucune gratitude en retour : « Paméla aime sa mère, elle l'aime même beaucoup, par égoïsme, comme on aime un être dévoué auquel on peut imposer tous ses caprices ; mais elle la respecte fort peu. Elle ne néglige aucune occasion de l'envoyer promener (…) « Qu'est-ce que tu me chantes ? … tu ne sais ce que tu dis ! »
Au jour de la première représentation de sa fille à un théâtre ou opéra quelconque, la portière en sera follement obnubilée :« Elle voit sa fille couronnée, portée en triomphe, "apothéosée", et ne descendant de son nuage que pour tomber dans une voiture à quatre chevaux, à côté de quelque duc et pair qui aura sollicité sa main »
Elle partage à voix haute et criarde son extase, ce qui exaspère les autres spectateurs et les réprimande sévèrement s'ils ne sont pas assez enthousiastes : « Eh bien ! Ils ne l'applaudissent pas ? Ah ça ! Qu'est-ce qu'ils ont donc, ces imbéciles-là ? »

Le vrai succès viendra plutôt d'un galant protecteur qui offrira à sa fille tout le luxe et le confort qu'elle mérite. Vivant par procuration, la portière est comblée ! - « La voilà enfin dans la position pour laquelle elle était née : libre, indépendante, maîtresse de son temps, de ses actions » Ah douce illusion !… « La pauvre femme ne s'aperçoit pas qu'elle n'a fait que changer d'esclavage » elle restera, quoi qu'il en soit, qu'une portière aux yeux de sa fille !

Une des physiologies les plus délicieusement cruelles !
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