30 décembre 1984, une disparition à la morgue de l'hôpital. Rien ne doit filtrer, l'établissement est mal classé, il ne doit pas sombrer.
Avant cette nuit fatidique, dans un village du Vaucluse, trois maisons, trois foyers totalement différents.
Caroline Litovski élève seule ses trois enfants, elle loue une petite ferme délabrée car elle peut y faire un potager et avoir une basse-cour. Cela lui permet de payer avec de la volaille et des légumes une nounou lorsqu'elle part faire des ménages pour survivre.
C'est une femme qui du fait de son histoire familiale se sent déclassée.
Depuis le départ du père de ses enfants, la vie est devenue extrêmement difficile, Elle avance sans se plaindre, avec la dignité d'une jeune femme qui fait face.
« Les mêmes mèches folles qu'elle tente de discipliner dans une demi-queue, la même étincelle dans les yeux, les mêmes épaules, aux contours osseux, carrés, la même odeur ; tout est là, intact, et le temps, au lieu d'abîmer cette femme que la vie n'épargne pas, l'épanouit. »
Les ménages, elle les fait principalement dans la maison des
Saint-Germain, demeure qui a vu vivre trois générations. Rodolphe le mari est toujours loin car officier de marine ; Augusta a déjà une fille Cécile. Elle attend un second enfant. Augusta se montre affable avec Caroline, à l'heure du thé, elles le prennent ensemble. Une amitié ?
Augusta a un leitmotiv « On ne se met pas en travers de ma route. »
Avec la naissance de son fils Jean, elle va s'investir dans la vie communautaire, elle a besoin d'exister, d'être vue.
Elle aime tirer les fils de ses marionnettes c'est-à-dire, mari, enfants et employés…
« Elle ressemble davantage à une businesswoman qu'à une mère au foyer rentière et femme de militaire. »
Son fils la verra ainsi : « superficielle et secrète, loin de la femme épanouie qu'elle aurait pu devenir. »
Un troisième foyer, celui des Cadoret, Brieuc et Soizic viennent de Bretagne. Au début, Augusta se rapproche d'eux et fait étalage de sa vie aisée. Puis le couple se séparera et Augusta les déclarera persona non grata. Est-ce parce qu'ils divorcent ?
Quelques mois après la naissance de Jean, que se passe-t-il entre Caroline et Augusta ?
C'est la fracture, Caroline part avec ses enfants pour devenir décoratrice d'intérieur.
Mais la vie n'en a pas fini avec elles.
Les lecteurs vont vivre dix-huit années intenses de ces vies parallèles. Quel secret va exploser et faire voler en éclats la façade de ses trois foyers ?
La construction du roman vous rendra addictif, vous oscillerez en permanence entre l'envie de tourner les pages vite pour savoir et l'envie de vous arrêtez pour prolonger le plaisir de cette lecture.
C'est un roman qui par l'écriture a la beauté des Classiques,
Balzac s'est-il égaré dans le Vaucluse ?
Les portraits sont ciselés physiquement et psychologiquement, il y a une justesse dans les sentiments exprimés et dans la gestuelle de chacun des protagonistes.
L'auteur y imprime une souplesse qui forge une trame qui nous rappelle les années fondatrices d'une vie, il y a une intemporalité et une pérennité dans ce qui construit chacun de nous.
L'auteur ne joue pas sur le terrain de la surenchère, elle est fine mouche et vous délivre quelques bribes qui pourraient vous mettre sur la piste du secret, mais en fait elle vous illusionne jusqu'au bout.
Une belle démonstration des dégâts du silence sur les vies, car les forts et les faibles sont à égalité dans le travail de sape des choses tues.
« le vrai basculement, se produit le jour où l'on fait connaissance avec quelqu'un qui partage notre vie depuis toujours. »
©Chantal Lafon
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