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Avant-poste de combat, américain, de Tarsandan,province de Kandahar,Afghanistan.Nizam,une jeune fille,pachtoune, habillée d'une burqa,y descend de son village au creux des montagnes,où à l'exception de Youssouf, son frère chéri, toute sa famille est morte suite aux bombardements américains.Elle aussi y a perdu ses jambes.Son frère partit à l'assaut du fort,vient d'y mourir. Sur ses moignons ,dans une charrette, elle vient chercher sa dépouille, pour pouvoir l'enterrer selon le rite musulman,pour qu'il puisse accéder au paradis.
Sa venue sème le trouble au fort,parmi les soldats.D'aucuns pensent qu'elle est un piège,d'autres écoutent sa musique ( elle joue le rabab,une sorte de luth) et admire son courage et son geste.....mais nul question de lui céder la dépouille du frère.Alors, elle attend dans des conditions de dénuement total,devant ce fort,n'acceptant aucune des maigres pitances que lui offrent les soldats......
C'est ainsi que débute ce magnifique roman choral avec Nizam,L'Antigone du titre.Par la suite l'auteur donne tour à tour la parole,aux personnages du fort,le toubib,le lieutenant,l'adjudant,le capitaine, le traducteur afghan....tous enfermés dans cette vallée perdue dans les montagnes,hors du temps et des normes de vie qu'on peut appeler normales.Chacun y raconte son histoire,exprime ses craintes,ses doutes ,ses espoirs.
C'est un livre où l'auteur sonde l'âme humaine avec beaucoup de finesse et de talent, un livre sur la guerre,la solitude et l'absurdité du monde où une poignée d'hommes politiques décide de la vie de millions de personnes pour assouvir leurs propres intérêts.
La lourdeur du sujet est allégée avec des descriptions magnifiques de paysages,un peu de poésie,une note de musique et même de l'humour....
Un des livres de la rentrée littéraire 2015,dont je conseille vivement la lecture!
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« Et cette fille, mon capitaine, vous trouvez qu'elle a de la chance ? »

Magnifique, Dur, Poignant

Pour commencer, je choisis ''Antigone à la Kandahar'' par intérêt et par curiosité. La 4e couverture me fait de l'oeil. Je remarque également les deux critiques alléchantes de mes deux amies ''Bookycooky'' et de ''Dixie'' qui m'aident également à faire mon choix. Je ne peux donc pas m'empêcher d'ouvrir mon livre.

Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre, je ne connais pas du tout cet auteur, je sors complètement de ma zone de confort. À ma grande surprise, c'est une belle découverte. À la lecture, je comprends pourquoi il a gagné le prix littéraire Gallimard 2015. À mes yeux, c'est une révélation, c'est un coup de coeur.



Pour préciser, j'ignore complètement qui est ''Antigone'' avant ma lecture. On me propose de lire la pièce de ''Antigone de Sophocle'' et j'en viens à une meilleure compréhension. L'auteur lui-même le mentionne à travers cette histoire, pour un personnage. Je le conseille également, si le livre est à votre portée de main.



Un peu d'histoire :
Qui est Antigone ? C'est la première femme forte de l'histoire. C'est aussi le symbole de la lutte contre l'individu contre l'oppression de l'État. (Tiré de la pièce ''Antigone de Sophocle''). Elle se bat pour que son frère soit enterré dignement. On lui refuse ce droit car il combat dans l'autre camp. Elle est seule dans sa lutte car sa soeur refuse de la suivre. Antigone est aussi une des plus célèbres tragédies grecques.

Une Antigone à la Kandahar :
Pour situer le contexte, l'histoire se passe dans la base américaine de la province de Kandahar. Il se présente une femme enveloppée dans sa burqua, elle vient seule réclamer le corps de son frère. L'état-major reste sur ses gardes ainsi que toute son équipe.

Captivant, Déracinant, Révoltant

L'auteur JoyDeep Roy Bhanttacharya centre son histoire sur cette tragédie. Au fil des pages, on voit défiler les portraits des personnages. On commence bien sûr par Antigone et ensuite on va à la rencontre de chaque personnage.
Ce qui me déstabilise, c'est comment chaque personne peut voir une situation différente autour du même événement. Ce qui me déroute, c'est de voir un groupe d'hommes qui est démuni par une femme, avec sa charrette, dans le champ. C'est une drôle d'impression, je ne sais pas comment l'expliquer, et qui va rester longtemps dans ma mémoire.
Je suis conquise par cet auteur à cause de son écriture riche, profonde et forte. Il prend un langage clair et précis pour aborder le sujet de la guerre. Il sait maintenir ton attention car il aborde différemment le thème et il t'expose les bons et les mauvais côté de la guerre. Je suis happée par l'intensité qu'il y met, je suis secouée dans les mots qu'il prend, je suis ébranlée à la fin de ma lecture.



Au fil des pages, tu te laisses bercer par une belle littérature. Tu te laisses atteindre par ce coin perdu, tu respires l'air des montagnes, à travers cette nature sauvage. Tu ressens une ambiance malsaine où la tension est toujours présente. Mais plus que tout, tu découvres en chacun d'eux, ce que les personnages sont vraiment au fond d'eux-mêmes.
L'auteur sait décrire avec tact et intelligence exactement l'émotion et la situation. C'est écrit avec une précision très détaillée, avec une réalité saisissante. Il aborde aussi des notions de l'histoire avec un vocabulaire approprié et pertinent. Le lecteur peut suivre l'histoire avec facilité et il parvient à suivre le déroulement à son aise.

Pour terminer, c'est une histoire qui émue, qui ébranle et qui fait réagir. Je ne sais pas comment vous le décrire, c'est un endroit à part. Antigone et les personnages ont tous une belle âme et à leur façon ils tentent de survivre. On voit vraiment comment le mal de l'âme peut se glisser en chacun de nous, si on n'y prend pas garde.
C'est une lecture inoubliable, je vais sûrement le relire plus tard. L'auteur t'amène aussi à la réflexion car la guerre existe bel et bien. Tu te poses également des questions sur tes valeurs, et qu'est-ce qui est bien pour toi.
''Antigone à la Kandahar'' est un roman qui porte sur la vie, sur notre côté humain, sur notre combat intérieur, à faire face à toute situation.
Et moi, si j'aurais été parmi eux, comment j'aurais réagi ? Et si j'entends une musique triste, au loin, est-ce que c'est Antigone ? Elle occupe une place maintenant dans mon coeur.

P.S : Je conseille également d'aller voir les critiques de mes deux amies ''Bookycooky'' et ''Dixie''. Il vient aussi de s'ajouter une autre critique celle de ''Bernacho'' et je vous invite à aller voir les autres.
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Afghanistan. Une femme voilée s'approche d'une base américaine proche de Kandahar. Personne ne la connaît, tout le monde se méfie. Mais elle n'est là que pour récupérer la dépouille de son frère, mort au combat. Elle veut lui rendre les derniers hommages et l'enterrer dans le respect de sa religion. Les soldats américains nt d'autres projets. S'ensuit alors un combat de plus dans un pays déjà meurtri...
Un roman très fort, très dur mais toujours avec un ton juste, sans jugement. Une soeur, un soldat, un docteur... plusieurs voix sont données à ce récit qui tente de nous dépeindre le climat d'un pays en guerre permanente. Une belle écriture et un découpage assez original font de cette lecture un moment marquant.
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Cette Antigone est une pure merveille !
Si l'on devait le résumer, ce pourrait être cela :
« Afghanistan. Province de Kandahar. Un drone américain a décimé les habitants d'un village. Les survivants prennent les armes et attaquent en représailles la base militaire américaine. Bilan : tous les attaquants sont morts. Quelques soldats également. Tous les survivants sont épuisés, atteints, blessés, à bout.
Ils voient s'approcher du périmètre de sécurité de la base, une forme humaine dissimulée sous une burqa, se déplaçant cahin caha dans une charrette, à la force de ses bras. Cet être humain mutilé, qui se traine sur ses moignons, c'est Nizam, la soeur du chef des attaquants, qui vient réclamer le corps de son frère pour l'enterrer dignement, selon les rites musulmans.
Les soldats américains sont persuadés qu'il s'agit d'un terroriste : homme dissimulé sous une burqa ou femme déterminée à mener une attaque suicide ? Que vont-ils faire d'elle, de sa supplique et de la dépouille de son frère qui pourrit à la chaleur du désert ? »

Si l'on devait le résumer, ce pourrait être aussi cela :
«Etats-Unis. Ville de New York. Joydeep Roy-Bhattacharya, écrivain américain d'origine indienne entreprend la ré-écriture du mythe d'Antigone. Il est Nizam mutilée sous la burqa, dans la poussière du sable brûlant sur la terre craquelée d'Afghanistan, récitant la janaza, face à face avec l'oeil au sang séché d'un visage défoncé. Il est le lieutenant Frobenius, jouant la guerre et la misère des tragédies antiques, crachant sang et sable dans les bras d'Emily. Il est Youssouf, ce frère chéri, pourrissant et empestant l'air chaud de son pays. Il est toubib sous les balles sifflantes, tirant par les épaules le soldat au corps explosé de balles. Il est interprète engagé volontaire pour servir les libérateurs de son pays. Il est soldat, le bras tatoué, pour ne pas oublié : 09/11, perdant tous ses idéaux guerriers, devant la grandeur d'âme d'une Antigone afghane :
« Ce ne sont pas les armées qui gagnent les guerres : ce sont les peuples. Les peuples ressentent des choses comme le sacrifice, la perte, la douleur. Les Pachtouns sont impliqués dans cette guerre en tant que peuple. Et cette fille sans jambe dans sa charrette fait partie de ça. Ils savent ce pour quoi ils se battent – ils se battent pour survivre, pour leurs maisons, pour leurs croyances. (…) mais nous, pour quoi on se bat ? »

Pas de vérités données, et encore moins dictées, pas de condamnations ni jugements, mais ce sentiment d'absurdité face à la guerre, et la douloureuse prise de conscience de cette incommensurable incompréhension mutuelle qui enlise encore et toujours...

Et cette beauté des mots dans la bouche d'une Antigone et entre les pages du journal du lieutenant, le Jour, la Nuit :
"Des kilomètres au loin. J'ai vingt-quatre ans, mais j'ai tant vieilli. Mes yeux sont des trous dans lesquels la lumière ne pénètre plus."
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L'auteur de ce roman empli d'une grande humanité s'attache à rester neutre, à ne pas prendre parti tout en dénonçant les Créons de ce monde, la rigidité de l'administration américaine et les dommages causés par la guerre, ici ou là-bas. Ses héros, des soldats pour la plupart, ont des coeurs tendres derrière leurs muscles et leurs armes ; ils pleurent et rêvent. Ils vivent et ils meurent, mais ils tuent aussi (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/02/14/une-antigone-a-kandahar-joydeep-roy-bhattacharya/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Un.
Deux.
Trois .
Quatre .
Ainsi commence un chapitre sur deux dans ce roman polyphonique dont l'action se déroule à l'avant-poste de combat de Tarsandan , Province de Kandahar , Afghanistan à l'époque où se sont les soldats américains qui occupaient ce poste .

Une jeune femme, Nizam, comme un fantôme ,dissimulée par sa burqa , arrive dans sa charrette qu'elle fait avancer par la force de ses bras dans un champ devant le fort pour récupérer la dépouille de Youssouf, son frère tué pendant les combats contre les soldats américains avec la détermination farouche de l'enterrer dignement selon leur croyance religieuse.

Une image forte se dégage d'emblée devant cette femme amputée des deux jambes ,seule face aux soldats décontenancés par cette apparition , interrogatifs quant à la possibilité d'une ruse de plus des rebelles et subjugués par la musique qu'elle joue la nuit sur son luth.

Les chapitres suivants font intervenir le lieutenant, le médecin, l'interprète , le sous- lieutenant , l'adjudant puis en dernier le commandant de la base .
Tour à tour chaque soldat se transforme en un être unique avec son histoire, son passé qui se mêle souvent au présent comme des visions ou des rêves éveillés chez ces hommes qui viennent de subir en peu de temps leurs première embuscade , leur première attaque et leurs premières pertes et ne trouvent plus le sommeil .

Des hommes jeunes, ils ont entre 19 et 27 ans, de milieux très différents mais qui pour la plupart se sont engagés par conviction, par devoir après le 11 Septembre 2001 , comme une évidence laissant derrière eux leur famille, leur femme, leurs études ou leur emploi et pour qui, l'arrivée de cette femme handicapée va agir comme un détonateur sur leur conscience et leurs convictions antérieures.
Chaque personnage devient attachant avec ses failles, avec la transformation inéluctable devant l'expérience de ce qu'ils vivent à mille lieux de chez eux et à mille lieux de leurs idéaux , des êtres fragiles , changés à jamais .
Reste en dehors de ce foisonnement de sentiments contradictoires, le capitaine qui représente l'ordre et l'armée mais dont la cuirasse, on le sent bien n'est pas aussi blindée qu'il veut bien le laisser paraitre .

Heureusement ce magnifique roman sur l'absurdité et la cruauté des guerres commence par le magnifique chapitre de cette Antigone pachtoune ce qui met la curiosité en éveil .

Je n'ai pas lu , cela devient chez moi une habitude, la quatrième de couverture et je ne suis pas sûre que j'aurais choisi spontanément ce livre parlant de combats , de soldats et de talibans : cela aurait été fort dommage car cette histoire est émouvante et passionnante !


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Nizam a fait du chemin pour venir près de la base américaine afin d'offrir un sépulture à son frère. Mais les américains se méfient et craignent qu'elle soit un terroriste. Ils refusent de lui livre le corps.
Tour à tour, l'auteur donne la parole aux différents protagonistes : le toubib, l'interprète, le lieutenant, Nazim....Chacun raconte son quotidien dans cette base militaire. le mélange de sentiments contradictoires, de failles, d'émotions donnent de la profondeur aux personnages. Il y a peu d'action et pourtant il y a une richesse dans ce texte qui nous livre les conditions de vie des soldats.
L'écriture est à la fois pudique, intense, pleine de force.
Ce livre montre bien comment l'homme devient soldat et comment il est difficile de revenir homme après la guerre.
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Un premier chapitre émouvant, qui prend aux tripes et laisse supposer un roman d'une grande intensité.
Hélas la suite n'est qu'une succession de discussions de soldats. L'auteur avait toutes les cartes en mains (sujet, plus toute en douceur, personnage féminin d'une grande force) pour livrer un ouvrage incroyable, et il donne l'impression de ne pas réussir à se servir de ces atouts.
Je trouve aussi que l'on s'approche plus d'un recueil de nouvelles que d'un véritable roman.
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Etrangement, je n'aime pas tellement Antigone. Pas celle d'Anouilh en tout cas, qu'on nous fait étudier et qu'on devrait faire étudier à notre tour.
Cette Antigone là, je la trouve trop froide, trop arrogante. Condescendante et brutale.
Cette Antigone là, elle est pétrie d'orgueil et de la grandeur de son engagement. Cette fierté là l'assèche comme un fleuve brûlé par trop de soleil et lui fait perdre tout ce qu'elle devrait posséder d'humanité.
Elle juge, elle condamne, et pire encore: elle donne des leçons.
Mon Antigone à moi aime les gens et ne les condamne pas parce qu'ils ont de petits rêves. Elle est passionnée et va au bout de son engagement, mais ne s'en vante pas.
Alors non, je n'aime pas l'Antigone de Jean Anouilh mais j'aime le mythe et le personnage antique.
J'aime aussi tout ce qu'elle inspire la princesse thébaine et les romans en particuliers: L'"Antigone" d'Henry Bauchau, "Le quatrième mur" de Chalandon, intense et bouleversant. Terrible. Et aujourd'hui, je peux ajouter à cette liste "Une Antigone à Kandahar" qui m'a fait ce que je suis censée apprendre à faire en cours de boxe thaï: "poing droit, poing gauche, crochet du droit, pied droit, pied gauche, genou droit, tapis"!
Force est de constater qu'il est plus facile pour un livre de terrasser un adversaire que pour une souris... Ce n'est même pas vexant: face à un livre d'une telle trempe, aussi puissant, personne n'est de taille.

"Une Antigone à Kandahar" est de ces romans au souffle terrible, brûlant qui emporte et déchire tout sur son passage. Un roman aussi beau que nécessaire et qui fait un mal de chien.
Il y a d'ailleurs un surcroît de douleur à lire ce livre alors que l'actualité en Afghanistan est ce qu'elle est et que tout ce que nous pouvons faire est de nous apitoyer face aux images mille fois diffusées par les journaux télévisés. On peut bien avoir la gorge nouée et la rage et la révolte au coeur, nous ne sommes jamais que des pions anonymes sur l'échiquier géopolitique. A quoi bon, alors, vomir et crier ces images-là? Alors, après nos cinq minutes de bonne conscience, on zappe et on oublie. "C'est la vie, c'est la vie", comme le chanterait Dutronc.
Cette phrase pourtant, qui résonne encore et encore: "Je voudrais dire à tous les américains -et je commence par toi- qu'il faut que vous restiez ici jusqu'à ce que la paix règne dans nos provinces. Ne nous abandonnez pas trop tôt. Vous avez la responsabilité d'un d'un peuple entier entre vos mains".

"Une Antigone à Kandahar" donc.
Avant-poste de combat de Tarsandan, province de Kandahar.
Derrière l'enceinte du fort, les soldats américains.
Au loin, une silhouette progresse péniblement et se détache, brisée, sur le paysage de pierres et de rocailles, de destruction.
Nizam atteint enfin le fort. Elle a quitté son village et ses montagnes au matin pour venir jusque là. La jeune patchoune a tout perdu au cours d'une bataille meurtrière. Tout. Les siens. Ses jambes. Elle avance donc sur un chariot de fortune et les aspérités du chemin ont rouvert ses plaies. Ses moignons saignent à nouveau et la douleur la transperce sûrement.
Nizam vient, telle Antigone, réclamer le corps de son frère, un chef tribal, mort dans la bataille. Elle veut lui offrir ses prières et une sépulture décente.

Sa venue provoque des remous au sein des soldats. Il y a ceux qui ont peur, ceux qui sont convaincus qu'elle cherche à les piéger et dissimule une bombe dans les replis de sa burka. Il y a ceux qui écoutent sa musique et qui sont émus par sa démarche. Ceux dont elle force l'admiration et ceux qu'elle agace. Ceux qui admire son courage et ceux qui brûlent de haine. Malgré toute sa résolution, interdiction pour elle de s'approcher. On ne lui rendra pas le corps de son frère, alors elle attend. Elle attend.

On entre dans le roman par la voix de Nizam, l'Antigone de Joydeep Roy-Bhattacharya. L'ouvrage ensuite devient choeur antique et l'auteur donne tour à tour la parole aux hommes du fort: l'interprète, le lieutenant, le médecin... enfermés dans ce fort perdu dans des montagnes hostiles et dans un quotidien qui n'a plus rien d'habituel. Dans ces monologues poignants et écrits avec beaucoup d'acuité, chacun livre son histoire, ses peurs, ses doutes, pas ses espoirs parce qu'ils n'en ont plu, son parcours, comme si la venue de Nizam les poussait à s'exprimer enfin jusqu'au dénouement, cru et magnifique.

"Une Antigone à Kandahar" est une lecture exigeante, autant du point de vue du fond que de la forme, elle est dure et parfois insoutenable. J'ai eu du mal à m'en extirper et ne pas me sentir envahie par son désespoir, sa noirceur, mais -étrangement- ça valait le coup.
Un roman difficile mais avant tout un roman sublime.



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Il est des titres qui vous harponnent et ne vous lâchent plus jusqu'à ce que vous vous saisissiez des livres dont ils ornent les couvertures. Ils présentent un mystère, une poésie, une part de rêve ou tout simplement une beauté intrinsèque qui conquièrent d'emblée le lecteur. Une Antigone à Kandahar est de ceux-là.
Je l'avais remarqué dès ses toutes premières apparitions sur le Net, au cours de l'été, et j'avoue avoir malgré tout un peu hésité à le lire. Un roman sur la guerre en Afghanistan ne me tentait a priori pas plus que cela et je craignais un traitement complexe, à double-lecture, pour dire vrai un peu « intello ».
Il n'en est rien. Il s'agit au contraire d'un roman très accessible, très sensible, avec des personnages très incarnés. Il m'aurait donc semblé dommage de passer à côté, ce qui, pour le coup, aurait été de toute évidence le cas si l'éditeur avait fait le choix d'une traduction littérale du titre original The watch : hommage lui soit rendu.

Cette Antigone, donc, est une femme pachtoune dont la famille a été décimée par une attaque américaine de drone. En représailles, son frère également rescapé a conduit une offensive contre une base américaine au cours de laquelle il a été tué, et sa soeur vient réclamer son corps pour l'enterrer selon les principes de sa religion.

Le roman s'ouvre sur une scène des plus théâtrales, puisqu'on découvre Nizam, notre héroïne, à quelques centaines de mètres de la base, sous un soleil de plomb, dans une charrette à l'aide de laquelle elle est désormais condamnée à se déplacer, ayant perdu l'usage de ses jambes. Elle se présente, stoïquement, vaillamment, devant ceux qui ont ruiné sa vie. Elle ne cherche qu'à faire entendre sa raison et ses droits.
Face à cette étrange personne dont ils ignorent tout, qui selon eux n'a pas pu accomplir seule le chemin qu'elle prétend avoir parcouru, dont ils se demandent si elle n'est pas envoyée par l'ennemi pour les piéger, les Américains ne savent comment réagir.

Il n'y a que très peu d'action dans ce roman. Dans chacun des huit chapitres qui le composent, l'auteur change de point de vue et prête tour à tour la parole aux différents acteurs de ce drame. Les souvenirs et les rêves des protagonistes se mêlent à leur réflexions et à leurs dialogues. A pénétrer dans l'esprit des différents officiers, on comprend comment des jeunes gens en sont venus à s'enrôler : certains après le traumatisme des attentats du 11 septembre, tandis que d'autres recherchaient l'adrénaline du combat ou simplement l'assurance de percevoir un salaire régulier. Mais quelles que soient leurs motivations, on perçoit progressivement les fêlures et les doutes auxquels ils sont en proie.
Quant à Nizam, elle ne voit naturellement en ces troupes rien d'autre qu'un agresseur. Entre les deux, un jeune Afghan s'est engagé en tant qu'interprète auprès des forces américaines pour les aider à combattre et chasser les talibans de son pays.

Au milieu du désert, parmi ces différents personnages, la tension monte peu à peu. L'incompréhension est mutuelle. Les pertes humaines sont intolérables. Il n'y a aucun respect de l'humain. La spirale de la violence semble inéluctable.
En variant ainsi les points de vue, l'auteur souligne l'absurdité de la guerre qui met en contact des populations qui ne peuvent se comprendre, ce qui aboutit à gangréner la situation au lieu de la régler. Comme dans une tragédie grecque, les événements s'enchaînent inexorablement, amenant les personnages à s'interroger sur eux-mêmes, mais aussi sur le poids d'une dimension historique, culturelle, sociale qui les dépasse et qui décide pourtant de leurs destinées individuelles.
Une belle réussite que cette interprétation contemporaine de la figure d'Antigone.

Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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