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Critique de tamara29


Après « le déclin de l'empire Whiting », je poursuis ma découverte des romans de Richard Russo. Et autant le déclarer de suite, « Quatre saisons à Mohawk » confirme que je ne vais pas m'arrêter de sitôt.
Dire que ce roman est une plongée dans l'Amérique profonde fait un brin cliché. Mais, c'est pourtant un peu le cas et ce n'est en rien un jugement négatif. « Quatre saisons à Mohawk » raconte la relation entre un fils et un père, et ce, par les yeux de Ned, le fils.
De retour de la seconde guerre mondiale, le père Sam Hall est un homme différent, en proie aux démons de l'alcool et du jeu. Les parents finissent par se séparer, le père par quitter le domicile familial. La mère, fragile psychologiquement, en perdant ensuite son boulot, finit, elle, peu à peu, par sombrer dans la dépression, se bourrant de cachets. le père récupère alors l'enfant.
Et Ned va mettre le pied dans un autre monde, bien différent de ce qu'il avait vécu auparavant avec sa mère. Pas de règles. Les repas ne se passent plus dans le foyer mais dans des bars alentour où le père est un habitué apprécié ou parfois encore chez Eileen, la nouvelle petite amie de Sam. Pas d'obligation de se laver, de porter des habits propres, de faire ses devoirs, d'aller se coucher à l'heure. Des soirées souvent seul dans l'appartement quasi vide, le paternel étant avec ses potes à faire la tournée des bars. La vie de Sam Hall tourne autour de l'alcool, de cuites, de jeux et de paris en tout genre (poker, billard, etc.) et, de temps en temps, de nuits au poste de police. L'argent va et vient selon les saisons. le père est généreux avec ses amis, ne s'encombre pas de comptabilité ou de remboursement de dettes (qu'il doit ou qu'on lui doit).
Le monde de Sam est sans contrainte, libre et fier aussi. Pas le genre de père responsable ni modèle qu'il faudrait à l'éducation d'un petit garçon. Mais le choix de vie du père est peut-être aussi comme une sorte de bouffée d'air, une façon d'apprécier le quotidien, sans trop de prises de tête parce que la vie est assez compliquée comme ça pour s'imposer trop de règles strictes.
Le « P'tit Sam » est d'abord déstabilisé et intimidé par ce père taiseux, fort en gueule, avec un humour un peu pète-sec ou sarcastique, qui ne semble pas trop s'inquiéter du fils, qui l'emmène dans ses virées avec ses potes piliers de bar, sans vraiment trop s'occuper de lui. Assez rapidement, Ned s'habitue à ce nouvel environnement, faits de cette solitude, de son indépendance, des expériences qu'il fait par lui-même, de ces silences aussi peut-être moins mensongers que les paroles de sa mère, qui tente, elle, de se raconter des histoires ou que cela ne va pas si mal.
Les saisons passent, le fils grandit, apprend, se forge un caractère. Ned n'est pas toujours tendre quand il parle de ses parents, de ces deux mondes bien distincts. C'est cela aussi une famille.
Mais, au fil des mois et des années, sans que les choses soient vraiment dites, sans qu'il n'y ait jamais de vrais gestes tendres mais, à l'inverse, plutôt maladroits, on sent la relation se nouer entre eux. En filigrane, ils s'attachent l'un à l'autre, comme nous, on s'attache à ces deux-là. On reconnaît par de petites touches ce lien qui se fortifie, qui se bonifie. On reconnaît leur besoin l'un de l'autre. Une relation forte, protectrice, vraie. Un amour entre un père et un fils évident. Il suffit de gratter un tout petit peu la surface, de savoir lire les silences ou les plaisanteries faites entre eux, pour le voir apparaître, cet amour éclatant, vibrant.
Russo est de ces auteurs que j'apprécie particulièrement, comme les David Lodge, Paul Auster ou encore Russel Banks. Ces écrivains qui savent raconter des histoires, montrer la vie telle qu'elle est, peindre des portraits d'hommes et de femmes simples, du quotidien, avec parfois ces revers de fortunes, avec toutes ces failles et ces faiblesses, ces relations pas toujours évidentes, un peu brinquebalantes, quelque fois violentes. Mais, ce sont aussi des vies emplies de tout un tas de belles choses : une large dose d'humour (des anecdotes truculentes, dont je me suis régalée avec notamment Wussy, le pote de Sam), des moments de tendresse et de sensibilité, des moments émouvants partagés ensemble qu'on n'oublie pas… Et avec tout cet amour qui fait du bien, qui nous amène la petite larme à l'oeil ou le sourire jusqu'aux oreilles.
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