Il n'y a pas de libertin un peu ancré dans le vice qui ne sache combien le meurtre a d'empire sur les sens et combien il détermine voluptueusement une décharge. C'est une vérité dont il est bon que le lecteur se prémunisse avant que d'entreprendre la lecture d'un ouvrage qui doit autant développer ce système.
Mais si ce chef-d'oeuvre de la nature était violent dans ses désirs, que devenait-il, grand dieu! quand l'ivresse de la volupté le couronnait. Ce n'était plus un homme, c'était un tigre en fureur. Malheur à qui servait alors ses passions.
Des meurtres nécessaires, il passa bientôt aux meurtres de volupté: il conçut ce malheureux écart qui nous fait trouver des plaisirs dans les maux d'autrui; il sentit qu'une commotion violente imprimée sur un adversaire quelconque rapportait à la masse de nos nerfs une vibration dont l'effet, irritant les esprits animaux qui coulent dans la concavité de ces nerfs, les oblige à presser les nerfs érecteurs, et à produire d'après cet ébranlement ce qu'on appelle une sensation lubrique.
Rien n'encourage comme un premier crime impuni.
Je n'ai donc contre moi que les lois, mais je les brave; mon or et mon crédit me mettent au-dessus de ces fléaux vulgaires qui ne doivent frapper que le peuple.
Je me suis mis de bonne heure au-dessus des chimères de la religion, parfaitement convaincu que l'existence du créateur est une absurdité révoltante que les enfants ne croient même plus.
Ils m'ont fait connaître le vide et le néant de la vertu ; je la hais, et l'on ne me verra jamais revenir à elle. Ils m'ont convaincu que le vice était seul fait pour faire éprouver à l'homme cette vibration morale et physique, source des plus délicieuses voluptés; je m'y livre
De tels êtres, continuait-il, doivent être malheureux: toujours flottants, toujours indécis,leur vie entière se passe à détester le matin ce qu'ils ont fait le soir. Bien sûrs de se repentir des plaisirs qu'ils goûtent, ils frémissent en se les permettant,de façon qu'ils deviennent tout à la fois et vertueux dans le crime et
criminels dans la vertu.
Et l'on lui entendait dire souvent qu'un homme, pour être véritablement
heureux dans ce monde, devait non seulement se livrer à tous les vices, mais
ne se permettre jamais une vertu, et qu'il n'était pas non seulement question de toujours mal faire, mais qu'il s'agissait même de ne jamais faire le bien.
Revenons maintenant sur nos pas et peignons de notre mieux au lecteur chacun de ces quatre personnages en particulier, non en beau, non de manière à séduire ou à captiver, mais avec les pinceaux mêmes de la nature, qui malgré tout son désordre est souvent bien sublime, même alors qu'elle se déprave le plus. Car, osons le dire en passant, si le crime n'a pas ce genre de délicatesse qu'on trouve dans la vertu, n'est-il pas toujours plus sublime, n'a-t-il pas sans cesse un caractère de candeur et de sublimité qui l'emporte et l'emportera toujours sur les attraits monotones et efféminés de la vertu ? Nous parlerez-vous de l'utilité de l'un ou de l'autre ?
Est-ce à nous de scruter les lois de la nature, est-ce à nous de décider si le vice lui étant tout aussi nécessaire que la vertu, elle ne nous inspire pas peut-être en portion égale du penchant à l'un ou à l'autre, en raison de ses besoins respectifs ?