( La Cafetière, Théophile Gautier)
Je n'avais plus aucune idée de l'heure ni du lieu ; le monde réel n'existait plus pour moi, et tous les liens qui m'y attachent étaient rompus ; mon âme, dégagée de sa prison de boue, nageait dans le vague et l'infini ; je comprenais ce que nul homme ne peut comprendre, les pensées d'Angéla se révélant à moi sans qu'elle eût besoin de parler ; car son âme brillait dans son corps comme une lampe d'albâtre, et les rayons partis de sa poitrine perçaient la mienne de part en part.
(La Chevelure, Guy de Maupassant)
Le passé m'attire, le présent m'effraye parce que l'avenir c'est la mort.
(Véra, Villiers de l'Isle-adam)
L'amour est plus fort que la Mort, a dit Salomon : oui, son mystérieux pouvoir est illimité.
(L'orgue du titan, George Sand)
- Ce que vous voyez là, c'est l'effort que firent les titans pour escalader le ciel.
- Les titans ! qu'est-ce que c'est que cela? m'écriai-jevoyant qu'il était en humeur de déclamer.
- C'était, répondit-il, des géants effroyables qui prétendaient détrôner Jupiter et qui entassèrent roches sur roches, monts sur monts, pour arriver jusqu'à lui ; mais il les foudroya, et ces montagnes brisées, ces autres éventrées, ces abîmes, tout cela, c'est l'effet de la grande bataille.
Pour vous autres, âmes prosaïques, il se peut qu'Olimpia vous soit un être étrange. Une organisation semblable ne se révèle qu'à l'âme d'un poète ! Ce n'est qu'à moi que s'est adressé le feu de son regard d'amour ; ce n'est que dans Olimpia que j'ai retrouvé mon être. Elle ne se livre pas, comme les esprits superficiels, à des conversations vulgaires ; elle prononce peu de mots, il est vrai ; mais ce peu de mots, c'est comme l'hiéroglyphe du monde invisible, monde plein d'amour et de connaissance de la vie intellectuelle en contemplation de l'éternité. Tout cela aussi n'a pas de sens pour vous, et ce sont autant de paroles perdues !
Astre brillant de mon amour, ne t'es-tu donc levé que pour disparaître aussitôt, et me laisser dans une nuit profonde !
Qui n'a, un jour, senti sa poitrine se remplir de pensées étranges? qui n'a éprouvé un bouillonnement intérieur qui faisait affluer son sang avec violence dans ses veines, et colorait ses joues d'un sombre incarnat? Vos regards semblent alors chercher des images fantasques dans l'espace, et vos paroles s'exhalent en sons entrecoupés. En vain vos amis vous entourent et vous interrogent sur la cause de votre délire. On veut peindre avec leurs brillantes couleurs, leurs ombres et leurs vives lumières, les figures vaporeuses que l'on aperçoit, et l'on s'efforce inutilement de trouver des paroles pour rendre sa pensée. On voudrait reproduire au premier mot, tout ce que ces apparistions offrent de merveilles, de magnificiences, de sombres horreurs, de gaietés inouïes, afin de frapper ses auditeurs comme par un coup électrique ; mais chaque lettre vous semble glaciale, décolorées, sans vie.