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Critique de afriqueah



Il y a des livres qui vous habitent après la fermeture de la dernière page, des livres dont il n'est pas facile d'expliquer le pourquoi de cette permanence dans notre tête, d'autant plus subtile, cette permanence , qu'aucune scène particulièrement frappante ne la rend crédible.
Ceci étant dit, « Lumière » nous détaille deux tableaux dans les deux premiers chapitres : l'un, femme couchée, nue, sans défense, devant rester dans l'attitude voulue par celui qui la peint. J'ai tout de suite pensé à un nu de Modigliani, mains derrière la tête, offerte et en même temps presque froide.

Le deuxième tableau, la Montagne Sainte Victoire, Cézanne, dont Christelle nous décrit les couleurs, rouges les sentiers, « des sentes fines et sanguines courent le long du terrain, pénètrent comme des couleuvres dans la végétation » blanc et bleu le sommet « Plis, failles, ravines, falaises calcaires, terre rocailleuse et aride »

L'histoire, c'est simple, Ambre s'est fait plaquer par Leo avec qui elle se sentait soudée par une magie « qui sidère ses peurs ». Sans un seul mot d'explication, après la volupté et le tissage de leurs deux coeurs ensemble, le chocolat léché dans la bouche l'un de l'autre, Ambre reçoit juste un message « je ne viendrai plus. Je te demande pardon ». Elle souffre non pas seulement de la rupture, ne plus connaître le plaisir partagé, ne plus être avec celui qu'elle aime, penser que sa vie est finie, mais surtout de ce qu'elle ne comprend pas, de la raison de cette rupture.
Ambre devient ombre, et Christelle Saiani trouve tous les mots adéquats pour exprimer cette souffrance. Ambre sombre, elle devient une ombre et une scène particulièrement révélatrice, c'est celle de la rencontre avec un homme qui n'arrête pas de lui asséner des propos libidineux « Cette nuit j‘ai pensé à vous »avec un « art consommé de la litote pour me dire que ses plaisirs solitaires me sont redevables » et qui, lorsqu'il la croise inopinément au marché ne la voit même plus, comme si son chagrin l'avait rayée de la carte.
Que Christelle Saiani me pardonne si je me trompe, il m'a semblé qu'autant ce quidam semblait lourdingue à son héroïne avec ses insinuations à la noix quand elle même était remplie de bonheur, autant elle éprouve une sorte de dépit à se voir ou non désirée, ou pire encore, pas simplement vue.
Bref, Ambre est larguée, elle souffre, et cette souffrance se ranime en rancoeur lorsqu'elle voit le bonheur conjugal de ses voisins. Je pense à Ferré ( un autre Leo, tiens : « Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir » .
« Lumière » , c'est une succession de couleurs, le rouge sang de la Montagne Sainte Victoire, de sensations, de sentiments, d'odeurs de cuisine méditerranéenne, les tomates aillées à l'huile d'olive, régal, de fleurs, tout un univers fait de souvenirs parentaux, d'amour de ce couple qui transmet le meilleur à ses enfants, d'amitié basée sur la compréhension de la souffrance de l'autre, et , aussi, la maladie décrite en détail et la mort en issue fatale , la culpabilité d ‘Olivier lorsqu'il apprend sa maladie mais aussi la victoire sur la mort quand elle est acceptée, quand le défunt est accompagné ,quand l'amitié préside).
Ne pensez pas à une sorte de roman feel good, tout est bien, même la mort, même la souffrance, même les douleurs, Lumière, c'est infiniment plus que ça.
En particulier, la manière tout à fait personnelle de parler d'amour en termes culinaires, réussissant à magnifier les deux. « Un cumulus s'irise, se déploie et mue comme de fins cristaux de sucre qui s'évanouiraient en dessert gazeux. Ce matin, le ciel est une mousse de couleurs, de fragrances, soyeuse et charnelle. A mon image, infiniment légère. Je suis amoureuse et mon état me tapisse de désirs sucrés. »
Et la manière tout à fait remarquable de parler d'une lettre reçue« S'asseoir à une table pour peser ses mots, choisir une à une de petites perles chocolatées, noires, lactées, onctueuses, laquées, aromatiques, longues en bouche, pour le seul plaisir de mon palais ».
Et bien sûr, aussi, la drague subie « chapelet d'ordures enrobées sous le sucre d'un berlingot ». Peut on mieux définir le harcèlement indélicat ?

Cristelle S fait aussi, parallèlement, puisqu'elle parle de la mort, des allusions : Eden , Requiem paien, Halleluiah, et sait comment raconter l'agonie d'Olivier, fort comme un arbre, voulant vivre, se désespérant de laisser sa femme seule au monde, rempli d'amour envers sa famille et ses amis… mais condamné.
C'est un livre pétri d'intelligence du coeur, un livre qui fait du bien, un livre dont le ton est juste à travers toutes les péripéties, un livre qu'Alain ( jvermeer) m'a conseillé de lire et je l'en remercie .
Ce livre reste en moi, il m'habite et m'enrichit.

L'auteur a eu aussi la bonne idée de m'écrire sur babelio et je lui en suis reconnaissante : son message, la lecture et le partage de sa « Lumière » formant un tout cohérent, sensible et intelligent.

Conseil à mon tour : lisez, lisez « Lumière » vraiment j'insiste, lisez.
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