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Citations sur L'orientalisme : L'Orient créé par l'Occident (23)

En entrant en contact avec l’Orient, et spécifiquement avec l’islam, l’Europe a renforcé son sytème de représentation de l’Orient et , comme l’a suggéré Henri Pirenne, fait de l’Islam l’essence même d’un être du dehors contre lequel, dans sa totalité, la civilisation européenne est fondée depuis le Moyen Âge . Le déclin de l’Empire romain sous les coups des invasions barbares a eu pour effet paradoxal d’incorporer les manières barbares dans la culture romaine et méditerranéenne : la Romani, alors que, dit Pirenne , les invasions islamiques qui ont commencé au septième siècle, ont eu pour conséquence d’ecarter le centre de la culture européenne de la Méditerranée alors province arabe vers le nord. « ....Une civilisation romans-germanique originale va maintenant se développer. »
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Cependant on a pas encore assez insisté, dans les histoires de l’antisémitisme moderne, sur la légitimation donnée par l’orientalisme à cette désignation qui font mention de l’atavisme ... et sur la manière dont celle de légitimation universitaire et intellectuelle a persisté à notre époque lorsqu’on parle de l’islam, des arabes ou du Proche-Orient. En effet, alors qu’il n’est plus possible d’écrire des dissertation savantes (ou même des vulgarisations) soit sur l’ »esprit des nègres »soit sur la « personnalité juive » il est parfaitement possible d’entreprendre des recherches sur des sujets tels que l’ « esprit de l’Islam » ou le « caractère arabe » .
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Le plus souvent, un individu entrait dans cette profession comme façon de reconnaître les droits de l’Orient sur lui; mais le plus souvent , aussi , sa formation d’orientaliste Lui ouvrait les yeux , pour ainsi dire , et ce qui lui restait c’etait une sorte de projet de dégonflemen, par lequel l’Orient était réduit à des dimensions bien moindres que celles qu’on lui donnait autrefois
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Karl Marx définit la notion de système économique asiatique dans son analyse, écrite en 1853, de la domination britannique en Inde, puis il place, juste à côté d'elle, la déprédation humaine introduite dans ce système par l'interférence coloniale de l'Angleterre, sa rapacité, sa farouche cruauté. Article après article, il revient avec plus de conviction sur l'idée que, même en détruisant l'Asie, l'Angleterre y rend possible une véritable révolution sociale. Le style de Marx nous oblige à affronter cette difficulté : concilier la répugnance que nous inspirent les souffrances subies par nos frères orientaux tandis que leur société est transformée par la violence, avec la nécessité historique de ces transformations.

''Or, aussi triste qu'il soit du point de vue des sentiments humains de voir ces myriades d'organisations sociales patriarcales, inoffensives et laborieuses se dissoudre, se désagréger en éléments constitutifs et être réduites à la détresse, et leurs membres perdre en même temps leur ancienne forme de civilisation et leurs moyens de subsistance traditionnels, nous ne devons pas oublier que ces communautés villageoises idylliques, malgré leur aspect inoffensif, ont toujours été une fondation solide du despotisme oriental, qu'elles enfermaient la raison humaine dans un cadre extrême- ment étroit, en en faisant un instrument docile de la superstition et l'esclave de règles admises, en la dépouillant de toute grandeur et de toute force historique. [...] Il est vrai que l'Angleterre, en provoquant une révolution sociale en Hindoustan, était guidée par les intérêts les plus abjects et agissait d'une façon stupide pour atteindre ses buts. Mais la question n'est pas là. Il s'agit de savoir si l'humanité peut accomplir sa destinée sans une révolution fondamentale dans l'état social de l'Asie. Sinon, quels que fussent les crimes de l'Angleterre, elle fut un instrument inconscient de l'histoire en provoquant cette révolution. Dans ce cas, quelque tristesse que nous puissions ressentir au spectacle de l'effondrement d'un monde ancien, nous avons le droit de nous exclamer avec Goethe :

Sollte diëse Quai uns quälen
Da sie unsere Lust vermehrt,
Hat nicht Myriaden Seelen
Timur's Herrschaft aufgezehrt ?

Cette peine doit-elle nous tourmenter
Puisqu'elle augmente notre joie,
Le joug de Timour n'a-t-il pas écrasé
Les myriades de vies humaines ?''

La citation qui appuie l'argument de Marx sur le tourment donnant du plaisir est tirée du Divan occidental-oriental, et nous apprend quelle est la source des idées de Marx sur l'Orient. Elles sont romantiques et même messianiques : l'Orient est moins important comme matériau humain que comme élément d'un projet romantique de rédemption. Les analyses économiques de Marx rentrent parfaitement dans une entreprise orientaliste type, même si ses sentiments d'humanité, sa sympathie pour la misère du peuple sont clairement engagés. Mais, en fin de compte, c'est le point de vue orientaliste et romantique qui l'emporte, tandis que les vues théoriques socioéconomiques de Marx sont submergées dans cette image classique :

L'Angleterre a une double mission à remplir en Inde : l'une destructrice, l'autre régénératrice — l'annihilation de la vieille société asiatique et la pose des fondations matérielles de la société occidentale en Asie. (pp. 178-179)
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L'idée de l'Orient dans son ensemble oscille donc, dans l'esprit de l'Occident, entre le mépris pour ce qui est familier et les frissons de délice - ou de peur - pour la nouveauté.
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On suppose trop souvent que la littérature et la culture sont politiquement et même historiquement innocentes; cela m'a toujours semblé faux, et l'étude que j'ai faite de l'orientalisme m'a convaincu (et convaincra, je l'espère, mes collègues en littérature) que société et culture littéraire ne peuvent être comprises et étudiées qu'ensemble.
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Par humanisme, je pense d'abord à la volonté qui poussait William Blake à briser les chaînes de notre esprit afin d'utiliser celui-ci à une réflexion historique et raisonnée. L'humanisme est également entretenu par un sentiment de communauté avec d'autres chercheurs, d'autres sociétés et d'autres époques: il n'existe pas d'humaniste à l'écart du monde. Chaque domaine est lié à tous les autres, et rien de ce qui se passe dans le monde ne saurait rester isolé et pur de toute influence extérieure. Nous devons traiter de l'injustice et de la souffrance, mais dans un contexte largement inscrit dans l'histoire, la culture et la réalité socio-économique. Notre rôle est d'élargir le champ du débat.
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Ironiquement, notre monde globalisé avance vers cette standardisation, cette homogénéité que les idées de Goethe visaient justement à empêcher.
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Le système de fictions idéologiques que j'ai appelées orientalisme a de sérieuses implications, et ce n'est pas seulement parce que, intellectuellement, il est peu honorable. En effet, les États-Unis sont aujourd'hui lourdement engagés au Moyen-Orient, plus lourdement que partout ailleurs : les experts qui conseillent les hommes politiques sur les questions du Moyen-Orient sont, presque jusqu'au dernier, imbus d'orientalisme. Pour la plus grande partie, cet engagement est bâti, c'est le cas de le dire, sur le sable, puisque les experts donnent des directives fondées sur des abstractions qui se vendent bien : ce sont, pour la plupart, de vieux stéréotypes orientalistes habillés de jargon politique, et, pour la plupart aussi, elles ont été complètement inadéquates pour décrire ce qui s'est produit ces derniers temps au Liban ou, auparavant, dans la résistance populaire palestinienne à Israël. L'orientaliste cherche maintenant à voir l'Orient comme une imitation de l'Occident qui, selon Bernard Lewis, ne peut que s'améliorer quand son nationalisme « se prépare à s'accommoder de l'Occident ».

Si, entre-temps, les Arabes, les musulmans ou le tiers et le quart monde suivent après tout des voies inattendues, nous ne nous étonnerons pas de trouver un orientaliste pour nous expliquer que cela démontre que les Orientaux sont incorrigibles, et prouve donc qu'on ne peut avoir confiance en eux. (p. 346)
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Ce qui a plus que tout impressionné le premier chroniqueur arabe de l'expédition, Abdal-Rahman al-Jabarti, c'est l'utilisation des savants par Bonaparte pour se ménager des contacts avec les indigènes — ceci et le choc causé par l'observation, de près, d'un establishment intellectuel moderne et européen. Bonaparte a cherché par tous les moyens à prouver qu'il combattait pour l'islam ; tout ce qu'il disait était traduit en arabe littéraire, de même qu'il était enjoint à l'armée par le commandement de ne jamais oublier la sensibilité islamique. (Comparez sur ce point la tactique de Bonaparte en Égypte et celle du Requerimiento, document rédigé en 1513 par les Espagnols — en espagnol — pour qu'il soit lu à haute voix aux Indiens : « Je vous prendrai, vous, vos femmes et vos enfants, et vous réduirai à l'esclavage [...]. Je vous prendrai vos biens et vous ferai tout le mal, tous les dams que je pourrai, comme il convient à des vassaux qui n'obéissent pas à leur seigneur », etc.)

Quand il devint évident pour Bonaparte que sa force était insuffisante pour s'imposer d'elle-même aux Égyptiens, il essaya de faire interpréter le Coran en faveur de la Grande Armée par les imams, cadis, muftis et ulémas locaux. Dans ce but, les soixante ulémas qui enseignaient à l'Ahzar furent invités à son quartier général, tous les honneurs militaires leur furent rendus, puis il leur fut permis d'être flattés par l'admiration de Bonaparte pour l'islam et Mahomet, par son évidente vénération pour le Coran, qu'il paraissait connaître familièrement. Cela réussit, et il semble que toute la population du Caire ne tarda pas à perdre sa méfiance à l'égard des occupants. Par la suite, Bonaparte donna à Kléber, son représentant, des instructions strictes pour qu'il administrât l’Égypte par l'intermédiaire des orientalistes et des chefs religieux islamiques qu'il pourrait gagner à sa cause ; toute autre politique serait trop coûteuse et déraisonnable. (pp. 100-101)
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