L'Homme des hautes solitudes

Dans la blanche luminosité du printemps, le ciel était d'un bleu tendre qui n'avait pas encore défloré l'haleine de la fournaise.

La nuit du Sud était tombée dans toute sa gloire, gercée d'étincelles -- lumières des maisons le long de la plage, des supermarchés ouverts en nocturne, des marquises blanches des cinémas.

L'armée, c'est comme une maison de correction. Tout le monde ment, tout le monde truque.

Le grondement assourdi de la circulation flottait comme une brume au-dessus de Los Angeles. L'atmosphère limpide avait la fraîcheur cristalline du petit matin, l'aura distinctive de la ville tenait autant au vent venu du large qu'à n'importe quoi d'autre.

Dans la lumière qui baignait le toit de l'église, ils étaient semblables à deux naufragés accrochés à la nageoire dorsale d'un monstre marin.

Le soleil tapait sur les palmiers, les immeubles tocards et les boulevards du front de mer. Des moineaux désoeuvrés sautillaient entre les pare-chocs des voitures. A l'intérieur des terres, aveuglante de blancheur, Los Angeles s'étirait, emmaillotée de brume.

Cette première et grandiose image devait bouleverser sa vie. La montagne l’aimantait, elle s’élevait avec une lenteur infinie comme une vague prête à l’engloutir. Rien ne pouvait lui résister, rien ne pouvait lui survivre.

Il était allé aussi loin, était monté aussi haut qu’il avait pu. Conscient d’avoir atteint la limite, il savait à quoi s’en tenir : les jambes qui se mettent à trembler, les mains qui cèdent. Mais cette fois il ne voulait pas se laisser glisser en tâtonnant désespérément pour trouver une prise : il voulait s’arracher, sauter et tomber les bras en croix face au ciel comme un saint.

Il songea à mourir. Il aspirait à la mort. Son univers s’était désintégré. Il aurait voulu que tout – chaque bête, chaque insecte, les escargots dans le jardin, les filles aux épaules bronzées, les avions qui étincelaient dans les airs – il aurait voulu que tout cesse enfin son vacarme et retrouve l’harmonie qu’il était en droit d’espérer. Il n’avait pas peur de la mort, absolument pas. Elle n’était qu’une métamorphose, l’entrée dans la légende qui était déjà la sienne. (pp. 240-241)

Catherine était nue, les cheveux déployés sur l'oreiller. Une noyée engloutie dans les profondeurs funéraire du lit semblable à une mer.

Audrey était infirmière et elle avait toutes les caractéristiques de la profession. C'était une fille hautaine qui ne mâchait pas ses mots. Elle avait horreur de la grossièreté, détestait la cuisine étrangère et le sport la laissait indifférente. Toutefois, sa jeunesse compensait quelque peu ces travers.