Un atterrissage parfait, silencieux. Sur mes talons aiguilles. Sur un trottoir, à une dizaine de mètres de la fenêtre, elle-même située à six mètres au-dessus du sol.
Vous savez ce dont je me rends compte à présent? Bien sûr que ce saut n'appartenait pas au champ des possibles dans la vie réelle, ordinaire, quotidienne d'Emily Webb. Mais cette nuit-là, entre la montée d'adrénaline et l'excitation, je n'y ai pas réfléchi, comme si sauter du deuxième étage de la maison était ce que je faisais lorsque me prenait l'envie de sortir.
Il fallait que je sorte. Je voulais plonger dans l’obscurité qui m’attendait dehors, devenir une fille sauvage et libérée. Le sourire aux lèves, je me suis hissée hors de la fenêtre.
Je veux qu'ils aient peur.
Epilogue : « Vesper compagny (Concevoir les étoiles les plus lumineuses, pour nous montrer la voie) Document interne, reproduction interdite. Retranscription partielle de l’interrogatoire de Vesper 1, Branche B Partie 6- enregistrement du 31 oct. 2010
Vesper 1 (v1) : Je crois qu’on a bouclé la boucle, monsieur Sauvage. Parce que cette semaine s’est achevée lorsque je vous ai rencontré. Ou lorsque que j’ai rencontré celui que vous prétendez être.
F. Sauvage (FS): Je suis désolé de ce jeu de dupes, Emily mais comme je vous l’ai dit…
V1: Oui, je sais, vous avez fait tout cela pour mon bien, c’est ce que me l’on répète depuis que vous et vos hommes avez pointé un pistolet sur ma figure et m’avez forcé à monter dans un camion.
FS: C’est la vérité, Emily, je vous jure que c’est la vérité.
V1: Vous transpirez monsieur Savage ? Il me semble que oui. Je le sens. Vous avez peur, et cette odeur me donne la nausée.
FS : Je…
V1: Que disait votre SMS, monsieur Sauvage ?
FS: Tout est sous contrôle, je… je…, c’est
V1: C’était quoi, ces bruits dans le couloir ? Est-ce que les choses ne se dérouleraient pas comme prévu ? Serait-ce que vous, vos patrons malades et vos ombres nous aient sous-estimés, nous les déviants ?
FS : Emily, s’il vous plait, s’il vous plait…
V1: Vous savez, monsieur Sauvage, mes amis et moi en avons discuté et nous sommes arrivés à la conclusion que vous n’alliez pas nous laisser repartir. Parce que nous savons ce que vous et la Vesper Compangny mijotez depuis tout ce temps. Nous savons tout de Biozenith et comment on a fait de nous des vespers et pour quelles horribles raisons. Je sais que toutes les choses qui sont arrivées ce sont produites à cause de vous et d’autres tordues dans votre genre. Et nous n’avons pas l’intention de rester gentiment assis là. Pas après ce que vous avez fait- ce que vous m’avez fait…
V1 : Vous ne pouvez pas vous enfuir de cette pièce Monsieur Sauvage..
(…)
V1: Attends, ne détruit pas tout.
Femme inconnue (F1): Mais ils ont enregistré votre conversation et ils ont aussi la trace de ce que tu as écrit.
V1: Je sais. Justement. Je veux qu’ils lisent absolument chaque page et qu’ils sachent qui j’étais. Et ensuite, je veux qu’ils écoutent tout ce qui s’est passé aujourd’hui et qu’ils comprennent en quoi ils m’ont changée.
Et je veux qu’ils aient peur.
à partir de maintenant, voilà comment je serai. Plus question de me cacher en plein jour. Plus question d’avoir peur d’exprimer mon opinion. Emily du jour passait tellement de temps à se demander ce que les autres pensaient qu’elle ne faisait jamais rien. Quel genre de vie était-ce ? Je le savais au fond de moi : j’étais différente. Et cette nouvelle Emily était bien mieux que l’ancienne.
Il y avait quelque chose dans cette métamorphose qui me fascinait, parce que je n’avais pas encore l’impression que c’était vrai. Comme un fantasme qui rejoint la réalité : je me transformais en quelque chose de mieux et de plus fort que moi-même.
ou plutôt, c’était quelque chose que Emily du jour n’aurait jamais osé essayer. Cette Emily du jour trouillarde sans audace, que personne ne remarquait jamais. Mais ce n’était plus moi.