Et il se dit que cela, cette euphorie si nette,si insolite, devait nécessairement être de l'amour,et que l'amour était une sorte de révolution intérieure.
Mais quand Ric-Ric tenta d'escalader ce corps grandiose et irrégulier, le champignon, qui semblait ne pas comprendre ce que voulait faire l'humain, resta obstinément passif.
- Oui, je sais ce que tu penses, lui dit-il : te monter te semble impliquer une hiérarchie de classe. Mais ne te laisse pas abuser par les apparences, camarade Borgne. Comme tu es plus grand et plus fort, il est logique et solidaire que tu me transportes, et non l'inverse.
Ce fut un rêve bref, très bref, fugace. Il dura la moitié de la moitié d'un instant. Peut-être moins. Un rêve plus bref que s'il avait été allumé par une allumette, qu'un claquement de doigts : fugitif comme le battement d'ailes d'un colibri, comme le battement de paupières d'un bébé. Éphémère comme un éclair dans la nuit sombre. Mais ce fut un rêve. C'en était un. Et, comme dans tous les rêves, la signification remplaça le temps.
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Il était comme un poisson dans un tonneau, qui se croit libre parce qu'il nage.
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Oh,oui,il avait toujours pensé que le Pouvoir était la magnificence,et Ric Ric prouvait que non,que l'essence du Pouvoir n'était que la sottise de ceux qui obéissent.
Qu'est-ce que c'était un drapeau ? Essentiellement un morceau de tissu accroché à un bâton, qui servait à regrouper une troupe.
Qu'allait-on lui faire ? il se passa la main sur le visage : il ne voulait pas y penser. Il avait toujours cru que Le Borgne était le fungus le plus solidaire. Et, curieusement, c'était précisément lui qui le jugerait. C'était du moins ce qu'avait laissé entendre Le Petit. Il était très déconcerté. Car il se rendait maintenant compte qu'il avait été victime d'un malentendu typique des dictateurs : tous les tyrans se croient aimés jusqu'à ce que leur peuple les pende.
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Il entendait cette musique et en était transporté. Il sentait son esprit sortir de son corps et s'élever. Son esprit voyageait vers un autre monde, plus héroïque et en même temps plus accueillant ; un monde surhumain et pourtant, quel paradoxe, plus compréhensible. Et en sortant de l'opéra, ils e dit que, comparée à Wagner, l'armée n'était rien.
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« Lâche la mèche ! »
Il faut être espagnol pour comprendre la vitesse avec laquelle Ric-Ric obéit.
Ordóñez fut le premier surpris par l'attirance qu'il éprouvait pour elle. Les femmes qu'il connaissait étaient soumises, pudiques et discrètes. Celle-ci, en revanche, se disputait avec son père comme si l'autorité paternelle n'existait pas et elle buvait du "vincaud", chaud ou froid, comme un homme. Lors d'une des rares occasions où il put la coincer, Antonio l'interrogea encore sur la légende locale des "menairons", ou quel que soit leur nom. Maílis lui expliqua que, en tant que maîtresse d'école, elle se servait de ce récit populaire : c'était un outil parfait pour instruire les enfants sur les risques de l'ambition, de la vanité et de la démesure. Dans le conte il était très difficile de trouver le Pouvoir véritable, et il ne finissait pas dans les mains de ceux qui le recherchaient le plus, mais des plus humbles : les "menairons". L'authentique Pouvoir ne consistait donc pas à dominer les autres, mais à devenir une meilleure personne.
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