Si une chose est bien certaine, c'est celle-ci: la saga du Sorceleur n'aura cessé de me surprendre.
Dans l'architecture pure de cette histoire,
Sapkowski fait d'emblée des choix étonnants. Commençant sa saga par deux recueils de nouvelles (il est indiscutable qu'ils introduisent réellement notre histoire), on assiste déjà à un vaste bordel chronologique qui posera les bases d'un univers riche et qui fascine allègrement (on notera bien sûr les jeux vidéos, mais également tous les livres traitant du bestiaire du sorceleur, les sites de fans...). Les recueils étaient incroyables: on se demandait parfois pourquoi on lisait ça, où cela menait. Jusqu'à, bien sûr, l'apparition du premier roman et de l'intrigue qui reposait alors sur des bases solides. Puis viennent donc cinq romans, aussi inconstants dans leur longueur que dans leur fougue.
Dans sa structure narrative, le sorceleur excelle également. On n'a jamais lu de la fantasy comme ça. Récit-chorale, s'attardant parfois sur des narrateurs surprenants ou inconnus, cette histoire de Geralt, Yennefer et Ciri brille par la distanciation qu'elle met avec ses personnages (chose qu'on ne retrouvera pas, par exemple, dans la série). La grande majorité des lecteurs, sans se voiler la face, ne suivait cette histoire que pour la maestria littéraire qu'est le personnage de Geralt. Et pourtant, il y en a des centaines de pages où son nom n'est même pas prononcé, ou alors seulement allusionné. Et c'est là un moteur essentiel de
Sapkowski: Geralt de RIv plane au-dessus de récit, en permanence, ne déviant pas une seule seconde de son unique objectif: retrouver Ciri. Et par l'apport des deux premiers tomes ainsi que l'écho du personnage chez d'autres narrateurs, le personnage de Geralt gagne alors une espèce de tendresse (un peu bourrue, bien sûr) et de courage qui laisse sans voix et lie le lecteur qui ne souhaite qu'une chose: retrouver son héros. "La Dame du Lac" en est un bel exemple: Geralt, on le verra un peu. Si le tome gravite autour de Ciri, véritablement, difficile de ne pas garder notre sorceleur en tête.
En délivrant des personnages plus vrais que nature par "petites touches",
Sapkowski délivre des boules de feu lorsqu'ils les laissent exprimer leurs sentiments. Très rarement introspectif, ce dernier tome est un maelström d'émotion délivré par petits détails. En témoigne les retrouvailles sanglantes entre nos trois protagonistes. La construction du dialogue, alors qu'ils sont épuisés et continuent de se battre, pour la majestuosité de leur amour et ce malgré un horizon bien sombre, est juste un tour de force.
Bien sûr, "Le Sorceleur" n'est pas parfait. le tome 4 m'avait par exemple abattu, lassé des circonvolutions permanentes effectuées par l'auteur. Il va sans dire que ce dernier tome n'attirera pas que des critiques positives: il est parfois très, très long. Je rejoins par ailleurs les critiques décrivant le périple de Ciri à-travers temps et espace comme laborieux. Tout comme cette "entre-deux", que vous comprendrez en lisant, survenant avant la fin du tome.
Sapkowski se fait plaisir: il prend son temps, disgresse, et s'en fout. Mais le jeu en vaut tellement la chandelle, à mes yeux.
Je clôturerai simplement en vous témoignant de mon émotion incroyable à la lecture de ce roman. Je peine à quitter cet univers où les monstres n'ont évidemment pas de grandes dents, où Geralt de Riv ne cessera (contre son gré, d'après lui) de défendre l'innocent contre la bêtise humaine, la xénophobie et la haine. Ce bouquin va probablement rendre fou de rage bon nombre de lecteurs, tant le destin semble s'acharner à barrer la route à notre trio.
C'est un monde aigre que celui de Geralt de Riv, un monde violent et pourtant féériques à bien des égards. La conclusion de cette histoire est donc à cette image.
En ce qui concerne la "fin ouverte", cela n'a finalement fait que peu de doute à sa lecture. Mais ceci étant du méchant spoiler, je m'abstiendrai bien de donner mon avis.