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Critique de leboncoinlecture


Trois journaux écrits par des femmes de cour au Japon au XIème siècle.
Introduction éclairante sur les écrits intimes, la cour de l'époque, chacune de ces femmes et leur journal.

le Journal de Sarashina : il commence quand l'autrice est adolescente et se termine à un âge relativement avancé. Sur une soixantaine de pages, on rencontre la sensibilité de cette jeune fille puis de cette femme, à travers un récit de voyage, sa vie à la cour, ses pélerinages. Toujours sensible à la nature (nombreuses notes descriptives et souvent poétiques), passionnée de littérature (de la difficulté de se procurer des livres quand on n'appartient pas à l'aristocratie ; petite tendance au bovarysme de plus...), pas avare dans l'expression des sentiments que ce soit pour sa soeur morte, son père en voyage, un amant.
J'ai trouvé très émouvant d'imaginer le quotidien, les pensées et les émotions de cette femme d'il y a mille ans !

Journal de Murasaki Shikibu : Elle est l'autrice du Genji Monogatori / @le dit du Genji (dont l'autrice du Journal de Sarashina était une grande amatrice !), considéré encore aujourd'hui comme un des plus grands romans japonais, et l'un des premiers romans psychologiques au monde. Soixante-cinq pages dans lesquelles elle évoque le quotidien de la cour ponctué de cérémonies protocolaires, très attentive à la beauté et aux tenues des femmes qui constituent un art à part entière. Elle se montre pleine d'humilité, de compassion et de circonspection au milieu de ces mondanités. Elle n'hésite pas à en mentionner les travers et la lassitude qu'elle peut éprouver. On croise Izumi Shikibu (autrice du troisième journal présenté ici, qui faisait partie de la cour de la Princesse tandis que Murasaki Shikibu faisait partie de la cour de l'impératrice, grande poétesse encore renommée aujourd'hui) qu'elle considère comme une artiste pas vraiment accomplie, ainsi que Sei Shonagon (autrice de @Notes de chevet, considéré encore aujourd'hui comme un chef d'oeuvre) qu'elle trouve imbue d'elle-même. On la voit complice de l'impératrice pour cacher leur connaissance du chinois (interdit aux femmes à l'époque) alors qu'elles en admirent les créations littéraires (voir citation).
Quelques images bien senties, mais reste à savoir dans quelle mesure la traduction respecte le texte original, car elle n'a pas été faite à partir du texte japonais mais de sa traduction anglaise... ce qui ne m'a pas dérangé pour ces deux premiers journaux mais qui est un véritable gâchis pour le troisième journal, le Journal d'Izumi Shikibu.
Particularité, il est écrit à la troisième personne (donc doute sur l'auteur). C'est le récit de la romance entre Izumi Shikibu et le Prince Atsumichi : leurs rencontres et leur correspondance parsemée de poèmes. D'après les spécialistes, cet ouvrage est vraisemblablement plutôt l'enchâssement des poèmes échangés entre les amants dans un écrin narratif qu'un réel journal.
Je l'ai trouvé assez pénible à lire du fait de la succession souvent simplement juxtaposée des épisodes, sans détail descriptif du décor par exemple, des scènes répétitives, un style aux phrases assez allusives et alambiquées. Certains poèmes m'ont tout de même touchée par leur sensibilité et leur subtilité, le lien nature / sentiments etc. J'étais malgré tout déçue de ce journal - quand je suis tombée sur une traduction de René Ceccaty dans @Mille ans de littérature japonaise. J'ai en partie lu les deux textes en face à face : on pourrait presque dire que ce sont deux textes différents ! Et j'ai trouvé le texte fabuleux dans la traduction de Ceccaty ; de ce fait, j'ai des doutes sur les traductions de deux premiers journaux et je pense que ça vaudrait le coup de lire une version tirée directement de l'original. Cependant, il est possible que ce décalage se sente particulièrement dans le journal d'Izumi Shikibu par le caractère extrêmement poétique de son écriture (d'après ce que dit Ceccaty), jouant énormément sur les mots, leur homophonie et leur polysémie, chose très difficile à rendre en traduction (le fameux problème du "traduire / trahir"), donc en traduction de traduction... d'autant que des références culturelles ou littéraires n'ont vraisemblablement pas été identifées, vidant donc certains passages de leur sens.

Bref, une lecture intéressante dans l'ensemble malgré la déception sur le dernier tiers. Je trouve émouvant d'observer des tranches de vie aussi lointaines dans le temps, l'espace et la culture et pourtant tellement proches sur le plan humain !


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