Citations sur Sans toi (20)
On peut aller n'importe où par la pensée.
La danse des ombres donnait vie aux vrilles luxuriantes des pieds de haricots et de pois de senteur. Tout embaumait la verdure, le sol humide exhalait des effluves parfumés. Les moucherons volaient sans un bruit, en de fins nuages.
Je pensais que d’autres gens viendraient à cette fête. Tous les jardiniers se connaissaient, s’empruntaient des outils, s’accordaient pour critiquer celui qui n’entretenait pas sa parcelle et ne venait que par beau temps pour s’allonger sur une chaise longue et boire du vin. « C’est gaspiller un lopin de bonne terre », commentaient-ils en secouant la tête, penchés au-dessus de leur clôture
Le réconfort de la nourriture me donne envie de pleurer. De minuscules flammèches s’élèvent dans le ciel, flamboyant d’une lumière dorée au-dessus de nos têtes avant de se disperser, mourantes, dans le vent.
Quand je ne trouve pas le sommeil, les heures s’étirent et un grand vide s’ouvre devant moi dans l’attente que la lumière revienne ; mais lorsque j’arrive à dormir, à dormir vraiment, alors, en quelque sorte, je m’évade.
Il règne une vieille odeur d’urine et de métal. La claustrophobie s’empare de moi et j’ai l’impression que l’espace exigu se réduit encore, que les murs se rapprochent pour venir presser la vie en moi.
Comme c’est marée basse, je m’assois à un bout du quai et balance mes jambes par-dessus le rebord. Il n’y a que quelques dizaines de centimètres d’eau au-dessous du ponton de bois gluant. On peut voir des touffes de varech s’emmêler sous la surface. Quand bien même je serais assez bête pour tomber à l’eau, je pourrais m’y tenir debout, en pataugeant dans la vase. Il fait déjà chaud.
"Assise à table en face de ses filles à regarder Eva et Faith former une famille, prendre leurs repas et discuter, créer des souvenirs à partir de simple gestes quotidiens, Clara se dit que le bonheur doit ressembler à cela"
L’actrice avait une allure gauche, comme si elle avait atterri sur scène par erreur, et récitait ses répliques mal à propos. À un moment, elle donna l’impression d’avoir complètement oublié son texte et il entendit un chuchotement désespéré venu de la coulisse, qui lui soufflait le début. Le public âgé était partagé entre gloussements et soupirs. Il retint sa respiration.
Passion et énergie se sont éteintes, le cœur en a été comme amputé. Faith est en plein déni et Clara et lui échouent à prendre des mesures. Une sorte de politesse contrainte s’est instillée entre eux, les laissant prisonniers d’un carcan invisible et étouffant. Il lui faut trouver un moyen de faire évoluer la situation, de briser la léthargie suffocante dans laquelle ils sont englués pour qu’ils puissent se retrouver tous les trois à nouveau réunis. Déménager les aidera. C’est pour lui une évidence. Mais il est tout aussi certain que Clara ne voudra pas vendre. Elle le vivrait comme une fuite ou une trahison.
La réalité est celle-ci : ces murs lépreux et aveugles, mes vêtements crasseux et cette vieille couverture sur le sol. La faible lueur et les ombres qui envahissent les moindres recoins. Je me frotte le visage, appuyant sur les surfaces planes ou les creux, car j’ai besoin de me sentir entière. Je veux rentrer chez moi, retrouver ma vraie maison, pas celle de mon imagination. Je le désire tellement fort que c’en est douloureux, comme des crampes menstruelles.