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Critique de bobfutur


Un recueil de nouvelles très particulier.
Comme souvent, il va d'abord falloir parler de ce format, si difficile à accepter pour nombre d'entre nous, lecteurs francophones.
Pour son tout premier livre, George Saunders fait preuve d'une réelle aisance de novelliste, établissant des univers compliqués en quelques paragraphes.
Formé de sept nouvelles, la dernière étant aussi longue que les six premières réunies (une centaine de pages), il y démontre que l'allongement d'une histoire ne vient pas forcément enrichir son univers, permettant simplement d'y empiler des péripéties supplémentaires ; les nouvelles d'une dizaine de pages y sont d'une remarquable densité narrative.
Un véritable manifeste de l'histoire courte.

Nous sommes dans un futur proche, flou, imaginé comme phase terminale d'une société des loisirs ayant mal tourné.
Les héros de chaque nouvelle ont comme point commun d'être des « losers », souvent garants d'une certaine moralité, au bas de l'échelle car l'ayant conservée.
Le cadre est une variation d'un parc d'attraction mutant, partagé entre kitsch reproductions des temps historiques et trouble virtualité technologique.

Si l'on devait résumer le tout avec une certaine pharmacopée, Saunders serait un John Cheever futuriste, défoncé à la mescaline et aux amphétamines. Une hystérie quasi-psychédélique se dégage de ces histoires, les personnages y étant projetés comme à l'aide de chandelles romaines.

Sorti dans l'ambigüe collection « La Noire » de Gallimard, ce livre n'aidera pas à s'en faire une idée plus précise. Montée à la base comme parallèle sombre à la littérature blanche de la NRF, cette série a rapidement été confondue avec les célèbres « Série Noire », l'éditeur lui-même s'emmêlant les pinceaux à l'occasion de ré-éditons, balançant en « Poche Policier » des titres où enquêtes et forces de l'ordre sont davantage absents qu'humour et second degré dans la littérature jeunesse post-moderne.

L'esprit du livre respire bien l'époque où il a été écrit : les cauchemars d'alors transpiraient d'injonction à la normalité, à la réussite individuelle, à la prototypie des corps et des esprits.
Le décalage est savoureux, quasiment rétro-futuriste : l'imaginaire du futur marquant de manière significative chaque génération.

Une note un peu plus haute était envisageable si la dernière nouvelle avait été plus convaincante. Elle se limite à un petit roman picaresque, explorant un postulat de départ certes intéressant (la société américaine au temps de l'apartheid, divisant « normaux » et « mutants ») mais exploité de manière trop gigotante, rappelant curieusement certaines écrits du britannique Will Self.
Mais cela reste une réussite, certaines histoires marquant au fer rouge le lecteur, hésitant entre crise de fou-rire et profonde consternation, ou toute autre émotion induisant des tremblements.
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