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Critique de Fabinou7


Chiller aves Schiller,

Les Brigands est le succès de jeunesse de l'immense dramaturge allemand, égérie du romantisme, avec son meilleur pote Goethe.

"Hélas ! Aux coeurs heureux les vertus sont faciles !"

Charles de Moor est un damné de la terre, s'il n'y a pas d'amour heureux, comme écrivait Aragon, alors personne ne l'emportera au Paradis. Ce sanguinaire héros romantique ne saurait souffrir que d'aucun survive effrontément à son trépas. le romantisme transforme des êtres contingents et facultatifs en des vies indispensables à la nôtre et par là-même les objectivent, êtres-objets de notre possession, loin de toute la résilience et du relativisme moderne.

Il faut dire aussi que le romantisme, qui place l'amour-passion au dessus de tout, qui déborde et qui nous dit qu'il ne faut pas dominer ses passions, arrive aussi après des siècles de contraintes dans le domaine marital, c'est un exutoire, certes excessif, mais qui répond à l'excès inverse qui a longtemps prévalu. Ce jusquauboutisme, cette soif d'absolu, comme la levée d'une chape de plomb ?

Ce drame en 5 actes se laisse lire fort aisément, l'auteur l'écrit en 1781 aux prémices du romantisme: comment s'incarnera-t-il en littérature ? Une tragédie et un héros, qui se dresse face aux circonstances accablantes, inextricables, de l'existence, déchiré et trahi, mais dans un refus absolu de nuance, de sagesse, de compromis…

Mais ces héros romantiques allemands sont parfois monstrueux de possessivité, d'orgueil ce qui fait que l'on évite l'écueil du bon héros manichéen, parfois misérabiliste ou trop plein de complaisance qu'on a pu trouver chez un certain nombre de romantiques français, de Guernesey à Saint-Malo, et jusqu'aux contreforts du mâconnais… Sans une petite goutte d'ammoniaque comme disait Albert Cossery, sans un peu de la perversité d'une héroïne de Françoise Sagan ou de la rugosité d'un personnage de Simenon bref sans méchanceté on a pas l'humanité, on n'est pas crédible pour le lecteur, on n'a pas d'empathie quand tout est trop lisse et idéaliste.

L'attitude sans compromission des héros de l'époque en dit long sur le moral des jeunes artistocrates de la fin du XVIIIe siècle… le Werther de Goethe ne sera-t-il pas lui-même à l'origine d'une vague de suicides plus qu'inquiétante, suicides d'amants éconduits, mais aussi de tourtereaux, à l'image de celui orchestré par le dramaturge Kleist, à tel point que les intellectuels de l'époque, en aval de la condamnation aveugle de l'Eglise, s'emparent du sujet, à l'image de Madame de Staël et ses “réflexions sur le suicide”. L'aura de ce trépas volontaire, que chaque écrivain se refile comme le chapitre conclusif un peu facile, se poursuit jusqu'à la fin du XIXe siècle, le romantique Victor Hugo par exemple, clôt son Homme qui rit sous les flots…

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